«Vos papiers, s.v.p. !»

Caméra-stylo, programme n°69 |

Parce qu’il nous permet de voir littéralement «à la place de l’autre», le cinéma raconte et fait ressentir mieux que personne le processus si complexe de l’intégration. Grâce à son fantastique pouvoir manipulateur, conjugué à un dispositif de projection qui, dans l’obscurité, nous laisse en tête à tête avec l’autre qui souffre rit et rêve là, devant nous, sur le grand écran, il nous est donné la possibilité de vivre de l’intérieur ce processus et, dès lors, d’en comprendre l’alchimie parfois si déroutante!

Sur le plan historique, le thème de l’intégration a été longtemps l’apanage du seul cinéma américain. Fondés et constitués par une myriade de communautés disparates, les Etats-Unis ont très tôt utilisé le cinéma pour entretenir l’un de ses mythes fondateurs, à savoir la coexistence possible de peuples, de races, d’ethnies différentes. Pour preuve, dès 1913, en dépit du système ségrégationniste, de nombreux films ont plaidé en faveur de l’intégration des gens de couleur dans la société «yankee»; leur héros étant en général des Noirs au teint clair, issus de la classe moyenne et épousant les valeurs puritaines et familiales ambiantes.

Un thème universel

Au jour d’aujourd’hui, l’intégration est devenu un thème cinématographique quasi universel. L’on n’ignore certes rien des raisons de cette «mondialisation» (mouvements massifs de population dus au dépeuplement des campagnes, à des situations politiques insoutenables, à l’appauvrissement insupportable des pays autrefois en voie de développement, etc.), mais il est remarquable de constater que des cinéastes du monde entier traitent désormais de ce thème — qu’ils soient coréens, burkinabés ou suisses. En France, le cinéma «beur» connaît actuellement un essor remarquable; au Japon, plusieurs fictions et documentaires ont été consacrées ces dernières années au triste sort subi par les immigrés coréens ou philippins.

Dans le cadre de la campagne «Salut l’étranger» 1848-1998 – Neuchâtelois d’ici et d’ailleurs, Passion Cinéma propose un cycle de neuf films qui explorent chacun à leur manière les horizons et devenirs «multiples» du thème de l’intégration. Sur le mode satirique (Men In Black, Les Faiseurs de Suisses), nostalgique (Avalon, L’Autre côté de la mer) ou dramatique (Waalo Fendo, Basquiat), les cinéastes font passer ce message essentiel: l’autre, aussi différent soit-il, reste notre semblable!

Vincent Adatte