A voir dimanche 14 octobre 2012 à 0h35 sur France 4 |
1983, dans le Nord de l’Angleterre. Shaun a douze ans, porte toujours un pantalon à pattes d’éléphant et fait plus jeune que son âge, une infortune encore accentuée par sa petite taille. Sa mère et lui sont minés par la compagnie d’un fantôme, celui du père, tué lors de la brève guerre des Malouines. Un groupe de skinheads locaux se prend d’affection pour le garçon mélancolique et ce dernier trouve-là un refuge, une culture musicale et vestimentaire, des valeurs à partager et des amitiés à nourrir. Mais la bande est scindée par le retour d’un membre plus âgé, Combo, qui incarne le rattachement d’une frange skinhead au mouvement xénophobe et populiste du National Front… Warp, le label de Sheffield longtemps cantonné à la musique électronique, s’est diversifié dans le cinéma pour un résultat jusque-là associé aux travaux déviants du vidéaste Sean Cunningham. «This is England» constitue l’une des premières tentatives de la structure vers une fiction mainstream pour le grand écran, sans pour autant renier une identité britannique noblement associée à la musique, à la mode et à la culture urbaine post-punk.
Son réalisateur Shane Meadows tient d’emblée à ne pas se porter vers l’oeuvre clipée et se débarrasse de la plupart des images d’Epinal dès le générique d’introduction. Les archive télévisées des Malouines, de Margaret Thatcher, le Rubik’s cube, les premiers pressages discographiques en CD, le mariage de Diana et Charles ou les grèves dans le pays minier défilent instantanément, comme si le cinéaste voulait nous dire que ses ambitions allaient se porter au-delà d’un survol imagé de la première moitié des années 1980. Il préfère effectivement se consacrer à un récit d’apprentissage plutôt bien mené, grâce à une trouvaille de casting représentée par le jeune Thomas Turgoose, une sorte de cousin britannique de David Bennent, l’adulte enfant du «Tambour» de Volker Schlöndorff (1979).
Rapide, concret, mais plus fin qu’il n’y paraît, son portrait n’exploite pas avec gourmandise ou inconséquence l’exhibition des chemises Ben Sherman, des Doc Martens, des bretelles et des crânes rasés, tout ce qui personnifie la culture skinhead. Mais il cède à une représentation convenue de Combo (Stephen Graham), un moins que rien converti au fascisme : celui d’un cas désespéré. Ce personnage en situation d’échec familial, affectif et intellectuel est une proie facile gangrenée par la rancœur, l’ignorance, le simplisme et la solitude éprouvée en dépit de son communautarisme forcené. Shane Meadows substitue donc une fois encore l’extrémiste à un cas social au lieu de montrer comment le fasciste peut naturellement et banalement se mouvoir dans une société en crise. C’est donc le romantisme qui l’emporte, la maturité, pour Shane Meadows comme pour son héros Shaun, ce sera pour plus tard.
de Shane Meadows
Grande-Bretagne, 2006, 1h37