A voir en DVD!
Avec le jaillissement pétrolifère de «There Will Be Blood» en 2007, le réalisateur américain Paul Thomas Anderson avait réussi un film esthétiquement fascinant, qui mettait en abyme l’angoisse humaine face au miracle et à l’effondrement économique. Avec «The Master» (2012), l’auteur de la mémorable pluie de grenouilles de «Magnolia» (1999) a récidivé en démythifiant le pouvoir et la soumission qui déchaînent la violence. Une psychanalyse dont les Etats-Unis semblent avoir besoin.
Inspiré du personnage délirant de Ron Hubbard et de l’alcoolisme de John Steinbeck, «The Master» décrit la rencontre d’un ex-marine et d’un charlatan, à la faveur d’une reconstitution des années 1950: Freddie revient du Pacifique traumatisé par la guerre. Alcoolique notoire, il vagabonde en fabriquant lui-même ses atroces mixtures. Un soir, il rencontre Peggy et son envoûtant mari, Lancaster Todd, le cerveau d’une mystérieuse secte. Entre les deux hommes se noue une relation dont l’ambiguïté est renforcée par des séances d’éveil spirituel.
Grâce à un tournage en pellicule 70 mm, Paul Thomas Anderson atteint à nouveau à une esthétique sublime, émaillée de contre-plongées et d’une profondeur de champ vertigineuses. Le cinéaste choisit alors de quitter la description de l’ensemble pour se concentrer sur l’intimité étrange de ses deux personnages, en s’appuyant sur la musique de Jonny Greenwood (Radiohead), un subtil mélange de jazz, de classique et de sons stridents. En effet, si la secte apparaît d’abord comme le révélateur d’une Amérique dont les croyances ne sont que le produit de l’imagination, Anderson prend vite le spectateur à contre-pied en montrant la fuite en avant de deux compagnons paranoïaques qui jouent à un jeu dangereux, sans en mesurer la portée, révélée hors champ… Une chef-d’œuvre d’une rare densité, signée Maître Anderson.
Metropolitan Filmexport