A voir dimanche 6 octobre 2013 à 20h50 sur D8 |
Qu’est-ce que ce «ridicule» qui n’épargnerait personne? Ponceludon est un noble de province, des Dombes, désargenté, ingénieur en hydrologie, qui veut assainir les marais qui rendent ingrate et souvent mortelle la vie des gens pauvres qui tirent de maigres revenus de leur travail. Comment y parvenir? Il se rend à Versailles, à la cour de Louis XVI, milieu où l’on aime «faire des mots» plus ou moins bons pour ridiculiser les autres. Et celui qui se rend ridicule ou est ridiculisé perd toute dignité. Rejeté par la cour, il doit quitter ce milieu! Ponceludon est assez brillant pour éviter cette déchéance, aidé qu’il est par le bon Marquis de Bellegarde qui se résoud à le faire dès lors qu’il ne renonce pas à sa «mission». Une intrigante de cour, Mme de Blayac, maîtresse de l’abbé mondain de Villecourt, écoutée du roi, va permettre à Ponceludon de rencontrer Louis pour lui présenter son projet. Mais ce ne sera qu’en 1793, sous le Directoire, que l’on commencera à assainir les marais des Dombes…
Molière n’est certes pas loin, mais les «ridicules» de Leconte sont des précieux plus que des précieuses. Des dames de cour s’amusent des mots des faiseurs de bons et des échecs des ridicules. Mais ce sont les courtisans en tous genres, obligés du roi, qui portent le titre du film. Derrière ces gens de noblesse qui n’est jamais celle du coeur, c’est tout une société finissante qui va changer, tellement préoccupée par le ridicule de quelques-uns qu’elle s’en rend collectivement ridicule. Ces «snobs» d’hier manquent de sensibilité, sacrifient tout aux apparences. Leconte nous fait sourire d’eux, parfois avec eux, sans se préoccuper de rigueur historique, mais en proposant une vision plausible de la cour de Louis XVI.
Le film présente aussi les «non-ridicules» qui portent en leur coeur l’espoir d’un monde meilleur, plus juste. Ainsi Leconte introduit-il dans sa comédie une vraie gravité, avec son côté sérieux, généreux, sincère. Mathilde, la fille du marquis, est passionnée par ses recherches scientifiques sous son bizarre scaphandre. Le Marquis, qui note toute forme de bon mot dans son carnet, est lucide à l’égard du milieu dans lequel il se sent à l’aise. Même Mme de Blayac, la plus brillante des tombeuses de ridicule, changera de camp, devenue amoureuse et trahie par Ponceludon qui a couché avec elle plus par intérêt que par amour; encore que…
Ponceludon, pour défendre la cause généreuse qui est la sienne, restera-t-il lui même ou sacrifiera-t-il aux moeurs de cette cour «brillante»? Les deux à la fois, ridicule quand il se bat en duel (Leconte aussi avec son ralenti, seule coquetterie mal venue du film), magnifique lors de ses retours dans les Dombes, sincère dans ses élans. Dans ce milieu où un seul décide, il n’est pas facile de convaincre. Ainsi apparaît aussi une dimension contemporaine de ce film qui n’est pas seulement «historique»…
Freddy Landry
de Patrice Leconte
France, 1996, 1h42