(Re)prendre corps

Programme n°244 |

Du 17 novembre au 28 décembre, Passion Cinéma présente quatorze films inédits qui saisissent le corps humain au-delà des limites et des stéréotypes imposés par la société. Ou comment le septième art regarde nos corps confrontés à la maladie, au handicap, à l’idée de perfection, à l’intégrité…

L’affaire n’a pas fait grand bruit. Cette discrétion n’en est que plus révélatrice et atteste de la pérennité insidieuse du sexisme. Voilà quelques semaines, la superbe affiche du film «Madres paralelas» de Pedro Almodóvar a subi la censure de l’algorithme dit «de modération» à l’œuvre chez Instagram. Objet du délit: un téton féminin en forme de pupille où perle une goutte de lait.

A n’en pas douter, son visionnage a dû déclencher une véritable tempête sous le crâne de l’intelligence artificielle sans doute développée par de mâles ingénieurs de la Silicon Valley. Selon les directives édictées par Instagram, la publication de photos de mamelons féminins est interdite, hormis celles prises dans un contexte d’allaitement ou au cours de moments post-partum (sic). A en croire les psy au chevet de l’appli vedette de nos réseaux sociaux, ce serait l’ambiguité scopique du photomontage, dont le motif nous fixe tel un œil, qui aurait troublé et conduit l’algorithme à commettre son acte de censure… Mieux vaut en rire!

TÉTONS FLOUTÉS

Fort de sa notoriété, Almodóvar a réussi à faire plier le mastodonte du soi-disant «partage de contenus». Cela n’est malheureusement pas le cas d’une myriade d’artistes moins connu·es dont, jour après jour, les photos et les vidéos exhibant les tétons de leurs modèles féminins sont impitoyablement floutées. Aussi risible soit-elle, cette anecdote démontre hélas encore toute la prégnance du «male gaze» dans notre culture de l’image.

Partant, la salle obscure incarne toujours plus ce précieux espace de liberté où, à de rares exceptions près, les films nous arrivent tels que les ont voulu leurs auteur·es. Dédié au corps, le nouveau cycle de Passion Cinéma en atteste avec quatorze films qui s’efforcent de le saisir au-delà des limites et stéréotypes que lui a assignés une éternité de patriarcat.

Vincent Adatte