En première vision |
de Dieter Fahrer
Adoptant une démarche très proche de Nicolas Philibert («Etre et avoir»), le cinéaste bernois Dieter Fahrer a réussi avec «Que sera?» un petit bijou de documentaire, dont l’émotion n’a rien de frelaté, en dépit de son sujet très casse-gueule. A Schönegg, la maison de retraite est située dans le même bâtiment qu’une garderie d’enfants. Il n’est pas rare que les petits bouts de choux grimpent l’escalier pour se fourrer dans les jambes des pensionnaires de l’EMS, au grand ravissement de ses derniers. Parfois, quelques dames d’un âge plus que respectable accomplissent le chemin inverse, se prêtant à l’étage du dessous à des activités créatrices qui constituent la plus merveilleuse des transmissions. Avec une pudeur remarquable, le cinéaste a su s’effacer devant son sujet, mais il ne s’est pas abandonné pour autant à une vision édénique du troisième âge. Bien au contraire, par le biais d’un fil rouge, qui fait penser à l’un des sketches les plus cruels des «Nouveaux monstres» (1978), l’un des sommets de la comédie à l’italienne, Fahrer ne fait pas mystère de l’égoïsme quasi institutionnel qui est à l’origine de la création de ce genre d’établissement. C’est ainsi qu’une vieille dame débordante de joie de vivre arrive à Schönegg pour y faire un séjour de «juste» quelques semaines. C’est du moins ce qu’elle croit. Bien évidemment, la réalité sera tout autre… Entre rires et larmes, «Que sera?» nous rappelle à l’ordre désolant des choses.
Documentaire, Suisse, 2004, couleur, 1h31, programme n°125