de Peter Greenaway |
avec John Gielgud, Isabelle Pasco, Michel Blanc, Friand Josephson, Michel Clark, Ute Lemper, etc.
«Prospero’s Books» est né d’une rencontre — celle du comédien John Gielgud avec Peter Greenaway sur le tournage d’une vidéo adaptée de L’Enfer de Dante (en 1988) — et d’une passion commune pour La tempête cb William Shakespeare, que Gielgud avait toujours voulu interpréter au cinéma sans jamais parvenir à convaincre ni Bergman, ni Resnais, ni Kurosawa de l’y mettre en scène.
L’acteur de 86 ans et le cinéaste décident alors d’en faire non pas une adaptation théâtralisée, mais plutôt une relecture particulièrement subjective. Muni par Gonzalo, son ami, de vingt-quatre livres qui composent l’indispensable savoir de l’homme cultivé, Prospero — ex-Duc de Milan — est exilé en 1599 sur une île lointaine d’où il va en quelque sorte recréer le monde pour assouvir sa vengeance. Les personnages de son récit (sa fille Miranda, son serviteur Ariel et les autres) sont ici ses propres créatures et c’est pourquoi Greenaway leur donne à tous la même voix — celle, majestueuse, de John Gielgud.
Jusqu’au jour où, reconnaissant la misère de son dessein, Prospero délivre les hommes de son pouvoir; ceux-ci découvrent alors leur voix propre — et la liberté. Les spécialistes ont lu dans le personnage de Prospero l’esprit de Shakespeare, sa volonté, testamentaire, de mettre un point final à son discours sur le théâtre, cette fabrique d’illusions: «Nous sommes faits de la même étoffe que les songes et notre petite vie, un somme la parachève», dit-il. Greenaway prend à son compte le propos shakespearien sur la création, multipliant les incrustations d’images, les références et les doubles sens. «Prospero’s Books» est véritablement un film-gigogne où les lectures s’emboîtent jusqu’à créer un univers inédit, avec sa mythologie propre; un univers référentiel à l’extrême, nourri des multiples expérimentations formelles, plastiques, littéraires et musicales du cinéaste.
France / Pays-Bas / Grande-Bretagne, 1991, 2h06, couleur; programme n°7
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