Phantom Thread

A voir en DVD!

Depuis «There Will Be Blood» (2008) et l’Oscar décerné à Daniel Day-Lewis, le cinéaste américain Paul Thomas Anderson s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus passionnants du moment. Après la dérive sectaire du formidable «The Master» (2013), consacré au fondateur de l’Eglise de scientologie, et «Inherent Vice» (2015), faux polar hippie adapté du roman de Thomas Pynchon, Anderson atteint de nouveau des sommets avec «Phantom Thread» (littéralement: «le fil fantôme»).

Dans les années cinquante, Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis), couturier londonien de haut vol, habille stars, nantis et membres de la famille royale. Comme le montre la séquence d’ouverture, qui voit son personnel se mettre au travail selon une chorégraphie dès plus rigoureuses, Woodcock se comporte en véritable dictateur, ne souffre aucun bruit, entièrement voué qu’il est à son art. Epaulé par sa sœur Cyril (Lesley Manville), il congédie sa jeune conquête du moment qui prend son petit-déjeuner de manière trop tapageuse.

Parti se ressourcer dans sa maison de campagne, Woodcock séduit aussitôt Alma (Vicky Krieps), une serveuse qui travaille dans un restaurant sur la côte. Il veut en faire sa muse, mais de façon complètement contrôlée, agissant comme un véritable démiurge, ainsi que l’exprime cette scène saisissante où il prend ses mensurations sans aucun état d’âme, comme il le ferait avec n’importe quel modèle.

Installée dans la maison de couture, Alma va se rebiffer. Déjà fascinant, le film prend alors un tour vertigineux. La jeune femme fait tout pour faire lâcher prise l’homme dont elle est éprise, jusqu’à s’improviser empoisonneuse, pour qu’il s’abandonne enfin… A sa manière à nulle autre pareille, le cinéaste relate cette histoire d’amour combien singulière en évitant tout surlignage psychologique.

Alma garde en effet tout son mystère, n’existant que dans l’action. On ne saura rien d’elle, ou si peu, hormis qu’elle est d’origine allemande, voire peut-être juive, à la façon dont elle réagit à l’antisémitisme affiché d’une très riche cliente du grand couturier. Par petites touches, dont la subtilité fait honneur à l’intelligence du spectateur, Anderson réussit l’antithèse parfaite de la comédie romantique, qu’il parsème d’éclats dont la trivialité apparaît comme un vrai symptôme de guérison.

Universal Pictures France