Persécution

A voir samedi 8 décembre 2012 à 20h50 sur Arte ⎥

Depuis la mort dramatique de son alter ego dramaturge, Bernard-Marie Koltès (en 1989, du sida), dont il avait monté quatre textes durant sa période exceptionnelle du Théâtre des Amandiers de Nanterre (1982-1990), Patrice Chéreau se partage entre la scène et l’écran.

De fait, le réalisateur de «La Chair de l’orchidée» (son premier film tourné en 1975 d’après James Hadley Chase) explore deux champs cinématographiques: l’un est choral, polyphonique, sujet à grandes fresques qui racontent les aléas du projet collectif, les incertitudes de l’être-ensemble («Judith Therpauve», «Hôtel de France», «La reine Margot», «Ceux qui m’aiment prendront le train»). Le second participe de l’intime, de l’intériorité, déclinant sur le mode de la rencontre le phénomène de l’attraction, du désir («L’homme blessé», «Son frère», «Intimité», «Gabrielle»).

De toute évidence, «Persécution» (2009) participe de cette seconde veine. Dans une rame de métro bondée, une femme qui fait la manche gifle subitement une voyageuse qui a eu le malheur de soutenir son regard. Témoin de cette scène, Daniel (Romain Duris) est à l’image de cette explosion de violence : agressif, colérique, brutal, imprévisible, en voulant au monde entier!

Travaillant au noir, Daniel rénove des appartements. Dans l’intimité, il veut aimer sans concession. Sonia (Charlotte Gainsbourg) en souffre, d’autant que son compagnon se dit persécuté par un inconnu (Jean-Hugues Anglade) qui le suit partout, s’immisçant sans cesse dans sa vie privée… Avec une crudité dénuée de toute complaisance, Chéreau décrit dans son dixième long-métrage un sentiment qui lui est familier: «Une façon d’aimer que je connais bien, quelque chose que je déteste en moi…» Un film âpre qui brille tel un diamant noir!

de Patrice Chéreau
France, 2008, 1h40