Pas sur la bouche

de Alain Resnais |
Avec Sabine Azéma, Isabelle Nanty, Audrey Tautou, Pierre Arditi, Darry Cowl, Lambert Wilson, etc.


Sans conteste, Alain Resnais est l’un des personnalités les plus difficiles à cerner du cinéma français. L’on préfère élever aussi vite que possible ses films au rang de monuments, plutôt que de tenter cet exercice. Seul le regretté et indispensable Serge Daney s’y est vraiment risqué. «Les personnages de Resnais, écrit-il, entretiennent avec le film qui les héberge une relation d’incertitude: ce sont des échantillons-hypothèses, des idées-cobayes d’une science qu’ils ignorent.» A quatre-vingt ans passés, l’auteur de «On connaît la chanson» (1997) expérimente de plus belle. «Pas sur la bouche» constitue l’adaptation cinématographique d’une opérette créée par André Barde et Maurice Yvain le 17 février 1925 au théâtre des Variétés à Paris. À partir d’une intrigue qu’il voit comme «un développement musical de l’absurde», Resnais force ses acteurs fétiches à donner de la voix – seul Lambert Wilson peut se prévaloir d’une réelle formation de chanteur lyrique. Comme dans le cas de «Mélo» (1986) qui reprenait quasi in extenso une pièce de théâtre de boulevard oubliée, le réalisateur restitue l’opérette de manière très fidèle, en n’en changeant pas un mot… Là réside la vraie provocation de cette œuvre forcément à nulle autre pareille. Qu’il traite des camps de la mort («Nuits et brouillard», 1955), du désastre nucléaire («Iroshima mon amour, 1959) ou de la torture («Muriel ou le temps d’un retour», 1963), Resnais reste plus que jamais le cinéaste de l’inimaginable.
France, 2003, couleur, 1h55, programme n°115