Pages arrachées du Livre de Satan

de Carl Theodor Dreyer |
avec Halvard Hoff, Hallander Helleman, Tenna Kraft Frederiksen, etc.

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      Eté 1919: Dreyer a trente ans lorsqu’il entreprend le tournage de son deuxième long métrage, «Pages arrachées du Livre de Satan». De son propre aveu, il a encore tout à apprendre de l’art du «ciné­matographe»; non sans sagesse, Dreyer prend modèle sur «Intolérance», un film réalisé trois ans auparavant par le cinéaste américain Griffith qui, à raison, est considéré comme l’inventeur du récit cinématographique.

      A ce chef-d’œuvre, il emprunte son principe narratif, tout en le simpli­fiant. Ainsi Dreyer raconte, comme Griffith, quatre histoires qui se dé­roulent en des époques différentes; toutefois, il s’oblige à les traiter sé­parément, l’une après l’autre… à contrario de son fameux confrère qui, lui, les avaient savamment «emmêlées» en un montage paral­lèle passé depuis lors à la postérité. S’inspirant toujours d’«Intolérance», Dreyer filme quatre variations du même thème: prenant figure hu­maine, Satan embobine trois hommes et une femme qui, contre leur gré, vont accomplir un mal «historique». L’ultime variation, quasi contemporaine du tournage, narre le destin tragique d’une révo­lutionnaire finlandaise qui choisit le suicide, plutôt que de trahir son pays comme le lui a enjoint Satan. De lui-même, Dreyer avoue «privi­légier» ce dernier épisode… c’est que ce «drame moderne» tourné en extérieurs lui offre un terrain idéal pour expérimenter ses théories les plus audacieuses. Ainsi tente-t-il de briser le statisme inhérent au ciné­ma de l’époque en multipliant les plans courts; instituant un montage «dynamique» digne de Griffith, le pionnier en la matière.

      Simultanément Dreyer s’efforce de soustraire son plateau aux artifices hérités du théâtre: il embauche des non-professionnels, des chômeurs, qui incarneront des résistants plus vrais que nature; leur interdisant de surcroît le maquillage… un diktat qui, au temps du muet, est considé­ré comme une hérésie. Pire; il fait même jouer les vieillards par… de véritables vieillards, une première dans l’histoire du Cinéma!
      On le constatera: des la première heure, Dreyer affirme plus que toute autre chose son besoin d’au­thenticité…
      BLADE AF SATANS BOG, Danemark, 1921, noir et blanc, 1h48; programme n°1

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