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Nourri aux films de genre parce que sa mère le déposait volontiers dans les salles obscures pour profiter d’un peu de temps libre, Jim Jarmusch appartient pleinement aux réalisateurs inclassables qui, tels Altman et Cassevetes, ont contribué à l’âge d’or du cinéma indépendant américain dans les 1980 et 1990. Mais les films dits «indie» existent depuis toujours en dehors de cette période, puisqu’ils se définissent non seulement en termes de production, libérée des grands studios, mais surtout par leur indifférence au mainstream, leurs points de vue marqués et leur refus du conformisme. Chantre du cinéma new-yorkais au style décalé, Jarmusch nous le rappelle aujourd’hui en se réappropriant l’inquiétante étrangeté du film de vampires.
«Only Lovers Left Alive» (littéralement «seuls les amants sont épargnés») suit les déambulations nocturnes d’Adam et Eve, un couple de vampires survivant depuis deux mille ans malgré les catastrophes et les épidémies causées par l’homme. Désormais contraints de s’approvisionner en sang de qualité, du O négatif de préférence, Adam et Eve s’en abreuvent avec volupté dans de petits verres à porto au cours de trips orgasmiques au son du bon rock. Fuyant la lumière du jour, le couple erre dans les rues désolées de Détroit et de Tanger, jusqu’à ce que la petite sœur d’Eve ne suscite le désordre en s’abreuvant directement à la source… Grâce à des images nocturnes d’une beauté stupéfiante et des dialogues aimablement ironiques, Jarmusch projette alors à travers le visage diaphane de Tilda Swinton comme un signe de marginalité éternelle au cœur d’un monde désolé par la crise et la surconsommation.
Avec «Dead Man» (1995), Jim Jarmusch avait donné naissance au sous-genre du western acide, dont «Django Unchained» (2012) de Tarantino constitue l’une des résurgences mémorables. Dans «Ghost Dog» (1999), Jarmusch rejouait le film de sabre et de blaxploitation. En veillant à contrer les attentes du spectateur, le cinéaste remet donc à nouveau un genre au goût du jour. Habile, il a trouvé dans l’immortalité des vampires une façon géniale de considérer, avec distanciation, les avanies de l’histoire dont l’homme semble être le seul responsable – un point de vue d’ailleurs partagé par nombre de cinéastes «indé».
Le Pacte