Ni olvido, ni perdón

de Richard Dindo


Le thème de la mémoire parcourt toute l’œuvre de l’indispensable Richard Dindo. Projet à la fois de résistance (l’oubli et le non dit constituent une forme classique d’exercice du pouvoir qu’il faut contrer) et esthétique (faire un documentaire revient toujours à concevoir un acte de mémoire), le cinéma de Dindo tient aussi du travail du deuil. C’est là sa manière de prendre congé des illusions et des utopies qui ont bercé la deuxième partie du siècle passé. Pourtant, en glissant dans le troisième millénaire, l’auteur de «Arthur Rimbaud, une biographie» (1991) semble vouloir «passer à autre chose», au point de déclarer que «Ni Olvido, ni perdon» («Ni oubli, ni pardon») est son dernier film politique, un ultime «mémorial» tourné en hommage à la génération de Mai 68 (qui est celle du cinéaste), à travers l’une de ses expressions les plus tragiques… Juillet 68, à Mexico: dans le sillage de leurs pairs européens, les étudiants mexicains commencent à manifester en faveur de la démocratie. Le 2 octobre, craignant que cette agitation ne mette en péril les Jeux olympiques qui doivent s’ouvrir dix jours plus tard, le Président Díaz Ordaz fait tirer l’armée sur les manifestants qui occupent pacifiquement la place Tlatelolco (ou Place des Trois Cultures). Officiellement, le nombre de morts s’élève à 200… Avec cet entêtement admirable qui le caractérise, Dindo retrouve les survivants du massacre et leur octroie enfin le droit au témoignage. Las, dans le même temps, grâce à un leitmotiv musical lumineux de sens, l’on pressent que ce passé ne passera jamais!
2003, Suisse, couleur et noir / blanc, 2h, programme n°116