Nénette

Visions du Réel 2010, section Tendances
de Nicolas Philibert
avec Nénette et les visiteurs du Jardin des Plantes



Depuis plus de vingt ans, le réalisateur français Nicolas Philibert poursuit une œuvre documentaire passionnante de radicalité. En témoignent des œuvres exigeantes comme «Le pays des sourds» (1992), «La moindre des choses» (1996), «Etre et avoir» (2002) ou «Retour en Normandie» (2007) dont le thème principal est la communication, au sens le plus profond du terme. Avec «Nénette», Philibert pousse dans ses derniers retranchements ce thème on ne peut plus dévoyé par une société obsédée par l’idée de transparence… Nénette n’est pas n’importe qui! Cet orang-outan femelle âgé de plus de quarante ans est la doyenne des pensionnaires du Jardin des Plantes, à Paris. Depuis quatre décennies, des files de visiteurs fascinés viennent l’observer à travers une vitre sale (en hiver) ou un grillage (en été). En plan fixe, Philibert filme le singe désœuvré avec une douceur extraordinaire, alors que la bande-son fait entendre les commentaires des êtres humains qui la scrutent. Souvent très drôles, ces commentaires expriment par la bande notre inquiétude, engendrée par la confrontation avec cet «être-là» dont l’opacité silencieuse fait échec à toutes nos interprétations, nos projections. Avec une simplicité merveilleuse, le cinéaste reproduit le dispositif documentaire et l’inconfort primordial qui en résulte, quand l’éthique de ce dispositif est respectée à la lettre, obligeant le spectateur à se débrouiller tout seul face au réel qui ne donne jamais de réponse (à part à la télévision, grande pourvoyeuse de sens préfabriqué). Telle est la leçon d’observation magnifique que nous administre la «rentière velue» que certains habitués du zoo viennent contempler tous les jours, histoire sans doute d’être renvoyés à eux-mêmes!
2010, France, couleur, 1h10, programme n°163