Mystères de Lisbonne

Destiné à la télévision mais cependant diffusé au cinéma lors de séances spéciales de plus quatre heures, «Les Mystères de Lisbonne» de Raoul Ruiz offre une immersion singulière dans le début du 19ème siècle, en faisant voyager le spectateur du Portugal au Brésil, en passant par la France et l’Italie. Incarné par l’excellent Adriano Luz, le Père Dinis s’occupe d’un enfant méprisé parce qu’il serait sans famille. Cependant, un jour, sa mère lui rend visite et lui explique qu’on l’a forcée à se débarrasser de lui… Multipliant les flash-backs, le réalisateur fait ressurgir le passé en le reliant à chaque fois à un présent qui devient de plus en plus labyrinthique. Une myriade d’histoires familiales – de mères et de commères, de pères et de paters, de fils et de filles (il)légitimes – qui se succèdent et s’entrechoquent dans un récit fascinant où l’on se perd parfois un peu, mais toujours avec bonheur. A la faveur de ce dispositif complexe, le cinéaste parvient à observer calmement les tours et les détours de ses personnages, livrant un tableau à la fois réaliste et psychologique, digne de Balzac! Le coffret DVD démontre avec brio le génie narratif de Ruiz, puisqu’il propose à la fois la version cinéma et la version télé, découpée en six épisodes. Si les deux formats proposent le même développement des personnages et donc une fin identique, Ruiz a rajouté dix minutes au début du troisième épisode et en insert un inédit, qui plonge le spectateur de manière plus approfondie dans le drame d’Anacleta et de sa fille. Si cet ajout tend à féminiser le contenu de la saga, il prouve avant tout le jeu subtil que permet un récit en épisodes, et l’adresse du réalisateur pour raconter une même histoire d’une traite comme en plusieurs parties.

Alfama Films