A voir en DVD!
Présenté en compétition à Cannes, «Michael Kohlhass» aurait pu valoir un nouveau prix d’interprétation à Mads Mikkelsen, tant le visage impassible et sculptural de l’acteur danois sert la rigueur morale de son personnage! Réalisé par Arnaud des Pallières, cinéaste français méconnu, auteur des remarquables «Drancy avenir» (1997) et «Disneyland, mon vieux pays natal» (2002), le film est tiré d’une nouvelle de Heinrich von Kleist. En 1808, le jeune dramaturge allemand, sous le choc de l’équipée napoléonienne qui avait défait le Saint-Empire romain germanique, publia en feuilleton ce chef-d’œuvre de la littérature romantique allemande …
Michael Kohlhaas (Mads Mikkelsen) est «l’un des hommes les plus intègres et à la fois les plus redoutables de son temps». C’est un honnête marchand de chevaux, un homme de parole, un fervent lecteur de la bible de Luther – lequel fera même une apparition divine sous les traits de Denis Lavant. Un jour hélas, Kohlhass retrouve blessés et éreintés deux de ses chevaux qu’il avait mis en gage chez un jeune baron. Il est désormais prêt à tout pour rétablir son bon droit, mais la cour corrompue fait peu cas de sa plainte. Le maquignon va alors lever une armée pour obtenir un jugement équitable.
Déjà adaptée en son temps par le réalisateur allemand Volker Schlöndorff, lequel en avait réalisé une interprétation soixante-huitarde assez vaine, la nouvelle de Kleist s’inspire de l’histoire vraie d’un marchand de chevaux du XIVème siècle qui, victime de l’injustice d’un seigneur, mit une province d’Allemagne à feu et à sang pour obtenir réparation. Le «Michael Kohlhass» de Des Pallières transpose cette action chevaleresque dans les Cévennes. Entre western et film de cape et d’épée, l’excellent film d’auteur qui en résulte rappelle à la fois le sang versé du «Guerrier silencieux, Valhalla Rising» (2009) de Nicolas Winding Refn et la folle abnégation de «Aguirre, la colère de Dieu» (1972) de Werner Herzog.
Grâce à la grandeur lumineuse du Scope, le cinéaste joue de façon grandiose avec la nature, les montagnes et les éléments, ainsi qu’avec les visages marqués de ses personnages cadrés en gros plans. S’appliquant à produire un hors champ aussi fiévreux que celui de Kleist, le cinéaste ellipse toutefois les scènes violentes et préfère s’attacher à son héros, dont il fait à la fois un exemple de rigueur morale et un justicier fanatique. Sur le point de prendre le pouvoir, Kohlhass préfèrera cependant y renoncer par souci d’impartialité… mieux que «Les sept samouraïs» (1954) d’Akira Kurosawa! En résulte une allégorie fantastiquement épurée de la justice sociale au sein d’une société où les puissants usent et abusent de leurs privilèges. Du grand cinéma d’auteur, dès à présent dans une édition DVD soignée, restituant la photographie époustouflante de cette histoire singulière.
M6 Vidéo