«Melancholia» aurait-il mérité une récompense plus prestigieuse à Cannes? Après les balbutiements para-fascistes du puérilement sulfureux Lars von Trier, il était politiquement impossible de primer frontalement le réalisateur. C’est donc auréolé du prix d’interprétation féminine décerné à Kirsten Dunst que cette œuvre à la fois sombre et majestueuse repart de la Croisette. Après un prologue évoquant le ballet cosmique de «2001, l’odyssée de l’espace» de Kubrick, mais annonçant ici l’Apocalypse, le nouveau film du cinéaste danois revient sur terre pour nous montrer un mariage dans une grande bâtisse entourée de verdure. Claire (Charlotte Gainsbourg) offre ces noces somptueuses à sa sœur Justine (Kirsten Dunst). En écho à la réunion de famille «jaunasse» de l’inoubliable «Festen» de Thomas Vinterberg, la mère (Charlotte Rampling) porte un toast glacial devant un public figé, tandis que la fête tourne à la panique: si le mal qui ronge Justine provient sans doute des conventions sociales et des rituels familiaux, le calvaire de ses semblables est de voir s’approcher Melancholia, une immense étoile qui menace de percuter la Terre. Subtilement métaphorique, esthétiquement virtuose, le film exprime à travers la torpeur de ses personnages, notre désespoir espiègle face à d’inéluctables catastrophes. Dès lors que la fin du monde est proche, il semblerait que seuls les «mélancoliques» qui ont compris la petitesse du genre humain, tels von Trier (évidemment) et son héroïne, font œuvre d’art… A côté de la Palme d’Or «The Tree of Life», «Melancholia» offre une vision tout aussi cosmique de l’existence, mais totalement dénuée d’espoir. Au pessimisme misanthrope danois, le jury de Cannes, présidé par un Américain, aura préféré le mysticisme humaniste de Malick. En 2011, à virtuosité artistique égale, le politiquement correct semble l’emporter, renforcé peut-être par un ras-le-bol du cynisme que von Trier cultive et qui, en période de crise, ne séduit pas…
de Lars von Trier
Danemark/Suède/France/Allemagne, 2011, 2h10