Une succession de buildings, des façades d’immeubles lézardées ou étincelantes, parsemées de fenêtres qui s’allument et s’éteignent… Avec son montage rythmé, la séquence d’ouverture nous plonge dans le béton et l’acier de Buenos-Aires et atteste que le réalisateur argentin Gustavo Taretto a fait ses premiers pas dans la pub. Après avoir conquis les festivals et remporté plus de quarante prix, dont le Lion d’or à Berlin en 2002, avec un court-métrage intitulé «Medianeras», le cinéaste décide de l’adapter en long-métrage. Malgré cet exercice d’équilibrisme qui se révèle souvent périlleux, le résultat est plutôt convaincant. Le prologue du film postule avec un cynisme respectueux et un humour burlesque que les trois millions d’habitants de Buenos Aires se sentent seuls parce qu’ils vivent dans des gratte-ciels anarchiques, où même les chiens se suicident! «Medianeras» (littéralement «les murs mitoyens») raconte alors la rencontre à venir de deux voisins solitaires que tout, et surtout le montage, rapproche.
Dépressif, enfermé dans son 40 mètres carré, Martín vit en ligne: le nez sur son ordi, il chatte et joue nuit et jour. De l’autre côté des murs, il y a Mariana: elle aligne les rendez-vous foireux, préférant se confier aux mannequins qu’elle dispose dans les vitrines des magasins. Jouant avec les matériaux (jeux vidéo, dessins animés, photographies, fonds d’écran), le réalisateur exprime alors l’isolement paradoxal relatif aux moyens de communications modernes. Cependant, au-delà de cette rengaine et de la romance un peu prévisible, le film séduit grâce à la beauté plastique qui émane des façades d’immeubles. Dès lors que les herbes folles poussent dans les murs fissurés, Buenos Aires apparaît bien plus charmante qu’il n’y paraissait. A la faveur d’une esthétique très soignée, cette chronique de la solitude urbaine produit un effet assez revitalisant!
de Gustavo Taretto
Argentine, 2011, 1h36