Mangrove


Après «La vraie vie est ailleurs», présenté en compétition à Locarno en 2006, Frédéric Choffat et Julie Gilbert sont de retour dans la sélection du festival tessinois avec un essai souvent fascinant (au sens littéraire du terme), tournée avec un budget dérisoire. «Mangrove» s’attache aux pas d’une jeune femme (Vimala Pons) qui revient avec son fils sur une plage perdue de la côte Pacifique du Mexique. Elle y a vécu son enfance avec son père, avant de fuir cet endroit paradisiaque des années plus tard, après la mort brutale de l’homme dont elle était éprise. Via des retours en arrière à la temporalité volontairement incertaine, le spectateur est amené à reconstituer le puzzle du drame, en faisant parfois fausse route, manipulé par un scénario habilement essaimé de faux-semblants. Cette exploitation subtile du non-dit est hélas un peu gâchée par une scène trop explicative, laquelle advient heureusement vers la fin du film! Qu’importe, car l’intérêt de «Mangrove» réside d’abord dans la forme très sensitive adoptée par les cinéastes pour restituer un travail de deuil rarement évoqué au cinéma, leur protagoniste s’efforçant de congédier l’idéal édénique entretenu par des parents en rupture de ban. Jouant de manière radicale avec l’effet de flou, une figure de ponctuation cinématographique liée depuis toujours à la mémoire et l’anamnèse, Choffat et Gilbert lui adjoignent des plans subtilement métaphoriques de la mangrove, laquelle, comme on le sait, prend secrètement racine dans une eau opaque et dormante. En résulte une œuvre certes fragile et parfois irritante par ses partis pris, mais qui tranche résolument sur la production suisse courante.

de Frédéric Choffat et Julie Gilbert
Suisse, 2011, 1h10

à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds