Magic Mike

Depuis «Sexe, Mensonges et Vidéo», Palme d’or du Festival de Cannes 1989, le cinéaste américain Steven Soderbergh s’est montré très actif, signant souvent deux longs-métrages par année. Tout en annonçant de façon répétée son départ à la retraite, le réalisateur de «Traffic» enchaîne illico presto les tournages avec, à la clef, l’une des filmographies parmi les plus intrigantes du moment! Soderbergh se plaît en effet à varier les genres: films à petit budget flirtant avec l’expérimental («Bubble»), grosses machines pétries de stars («Ocean’s Eleven»), remakes tortueux («Solaris»)… Le bougre se pique d’être imprévisible et aime surprendre son monde. C’est encore le cas avec «Magic Mike».

Comme l’a justement relevé Olivier Père, qui vient de le programmer à Locarno en seconde partie de soirée sur la Piazza Grande, le vingt-quatrième film de fiction de Soderbergh constitue le troisième échantillon d’une étrange collection donnant le beau rôle à des acteurs qui viennent d’un horizon plus trivial que le «prestigieux» cinéma. Après une ex-vedette du porno avec «The Girlfriend Expérience» (2009), qui n’a pas eu l’heur d’être distribué sous nos latitudes, et une adepte impressionnante du sport du combat dans le très récent «Piégée» (2012), Soderbergh s’entiche du jeune et beau Channing Tatum, un comédien certes, mais qui a commencé par faire du strip-tease… A croire que le star-system cher à Hollywood a trépassé!

S’inspirant du vécu de Tatum, qui produit son film, notre cinéaste raconte une tranche de vie, celle de Mike Martingano, couvreur exerçant son métier à Tampa en Floride, et qui consomme les filles à la va comme je te pousse. Un jour, son employeur lui confie un aide très bien bâti prénommé Adam. Le soir venu, Mike, sans crier gare, entraîne Adam dans une boîte de nuit où ce dernier comprend que son nouvel ami est un célèbre stripteaseur dont les contorsions font se pâmer un parterre de femmes hystériques. Sous la houlette très dénudée de «Magic Mike», Adam va alors apprendre le métier…

Loin de sublimer ce milieu de paillettes, Soderbergh lui confère une dimension quasi dépressive où l’amour n’est guère aimé, comme en atteste la sœur aînée d’Adam, sans conteste le personnage le plus intéressant de l’histoire. Du fait de son extrême banalité, parfaitement assumée par son metteur en scène, l’on s’étonne que ce film ait remporté un tel succès aux Etats-Unis. Il faut croire que nombre d’entre nous s’y sont trompés… Mike n’a rien de magique, c’est ce qui le rend intéressant.

de Steven Soderbergh
Etats-Unis, 2012, 1h50

à voir à La Chaux-de-Fonds et à Neuchâtel