A voir dimanche 3 mars 2013 à 0h15 sur France 3 |
Paru en 1857, le célèbre roman de Gustave Flaubert a suscité l’intérêt de grands cinéastes, à l’exemple de Jean Renoir (1934), Vincente Minnelli (1949), Alexandre Sokourov (1990), Ketan Mehta (1992) Manoël Oliveira (1993) ou encore Claude Chabrol (idem).
Tournée une année après son chatoyant «Pirate», l’une des plus belles parmi les nombreuses comédies musicales que Minnelli a réalisé dans le cadre de l’unité de production dévolue au genre à la Metro-Goldwyn-Mayer, son adaptation de «Madame Bovary» (1949) abandonne le rêve et le technicolor pour s’immerger en noir et blanc dans la médiocrité pointilleuse flaubertienne.
Pour contourner le code de censure Hayes auquel contrevenait sous bien des aspects le roman d’origine, Minnelli a usé d’un subterfuge très malin en commençant son film par le procès que la publication de Madame Bovary valut à Flaubert en 1857. Sommé par les juges de s’expliquer sur le caractère scandaleux de son héroïne, l’écrivain joué par James Garner commence alors à raconter son histoire qui s’incarne dès lors à l’écran. A la fin du procès, la justice acquitte Flaubert. Minnelli était bien certain que les zélateurs du code Hayes n’oseraient pas remettre en question une décision de justice prise près de cent ans auparavant, de peur d’être ridicules…
Les mains libres, le futur réalisateur de «Brigadoon» est tout de même resté prudent… Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans le roman, Charles Bovary (Van Heflin) refuse à la dernière minute d’opérer le pied bot du pauvre Justin, pour ne pas contrevenir à son serment d’Hippocrate («Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences»). Qu’importe car l’effet est tout aussi dévastateur sur Emma Bovary (Jennifer Jones) qui perd alors le (très) peu d’admiration qu’elle avait encore pour son mari…
De façon sous-jacente, Minnelli rend Hollywood et son usine à rêves inaccessibles responsable de la névrose de son héroïne. C’est d’ailleurs l’un des éléments les plus intéressants de son adaptation, ce renvoi en creux à la dimension fondamentalement aliénante du cinéma hollywoodien, même si, bien sûr, il ne s’agit pas encore de film pour Emma, mais d’une simple «picture in a book»… Il suffit de repenser à «La Rose pourpre du Caire» de Woody Allen pour s’aider à faire le lien!
de Vincente Minnelli
Etats-Unis, 1949, 1h28