L’Ile

A voir mardi 3 juillet 2012 à 0h05 sur RTS Un

La carrière du cinéaste russe Pavel Lounguine se confond avec l’histoire récente de l’ex-Union Soviétique. Fils d’une traductrice et d’un scénariste, il réalise son premier long-métrage alors que les réformes brouillonnes de la perestroïka battent leur plein. La dérive nocturne de «Taxi Blues» (1989) fait sensation à Cannes et lui vaut un Prix de la mise en scène nullement usurpé. Lounguine récidive avec «Luna Park» (1992), allégorie sarcastique qui voit un jeune ultranationaliste antisémite se découvrir des origines juives cachées.

Alors que le «sauveur» Eltsine ruine la nouvelle Russie, le cinéaste s’exile à Paris où il continue sa carrière. Description superbement grotesque d’un pays dévasté par le capitalisme sauvage, «La Noce» (2000) reçoit un Prix d’interprétation collectif mérité. Portrait très chargé d’un oligarque en devenir, «Un nouveau Russe» (2003) donne en douce raison à Poutine qui est en train d’élimine un à un ses concurrents milliardaires. Depuis, Loungine est rentré en Russie. Avec «L’île» (2007), il achève son acte de contrition!

Pour son huitième long-métrage, le réalisateur de «Ligne de vie» (2007) a changé son fusil d’épaule. Très loin des satires sociales d’antan, il verse en effet dans un ascétisme qui sent l’opportunisme à plein nez. A l’époque soviétique, un vieux moine imprécateur multiplie les preuves de sainteté. On accourt de toutes les républiques pour bénéficier de son aura, au point de susciter l’ire jalouse de ses supérieurs qui n’apprécient guère cette agitation. Interprété par l’un des acteurs fétiches de Loungine (Piotr Mamonov), le moine Anatolie s’inscrit dans la tradition des fous de Dieu, êtres rebelles et imprévisibles plus ou moins tolérés par l’Eglise orthodoxe.

Oublieux de la forme carnavalesque de «La Noce», le cinéaste disserte avec un sérieux regrettable sur la religion et la culpabilité. Lounguine n’a jamais été un cinéaste de la spiritualité: même s’il invoque les mannes de Tarkovski à chaque plan, il ne convainc personne de sa conversion!

Ostrov
de Pavel Lounguine
Russie, 2006, 1h52