A bientôt quatre-vingts ans, Woody Allen ne lâche rien, persistant à nous livrer vaille que vaille son film annuel. Après le très vache «Blue Jasmine» en 2013 et le narquois «Magic In the Moonlight» en 2014, le quarante-cinquième long-métrage du réalisateur de «La rose pourpre du Caire» renoue avec la tragicomédie existentielle, façon «Match Point» et «Crimes et délits».
Professeur de philosophie, Abe Lucas (Joaquin Phoenix) pense qu’il a raté sa vie. Dévasté sur le plan affectif, il enseigne sans conviction. Sexuellement parlant, il n’est plus vraiment le grand coureur de naguère, encore que… A peine arrivé sur le campus d’une université américaine pour y donner un cours d’éthique, Abe fricote en effet avec une prof engluée dans un mariage désastreux, tout en débutant une liaison avec Jill (Emma Stone), sa meilleure étudiante, un brin attirée par son côté torturé.
Bref, Abe se désespère d’accomplir au moins une fois dans sa vie quelque chose de saillant, jusqu’au jour où il surprend avec Jill une conversation de bistrot qui va l’inciter à passer à l’acte, façon Dostoïevski, en projetant de commettre un meurtre gratuit, comme dans «La corde» d’Alfred Hitchcock, dont s’inspire visiblement le cinéaste. Selon un principe de double narration qu’il maîtrise à merveille, Allen met alors en concurrence Abe et Jill, notamment par le biais de leur voix off… Qui l’emportera du vieux cynique ou de la jeune fille innocente (mais très déterminée)?
On l’aura compris, le millésime allénien 2015 s’avère plutôt convaincant, d’autant que notre expert en pirouettes morales semble avoir trouvé une nouvelle muse en la personne d’Emma Stone, qui n’a rien à envier à Diane Keaton, Mia Farrow ou Scarlett Johansson!
de Woody Allen
Etats-Unis, 2015, 1h36