«L’Europe se rencontre au cinéma: 7 films européens»

    Caméra-stylo, programme n°11 |

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      Le Plan Média ’95 du Conseil de l’Europe regroupe différents programmes européens de soutien au cinéma, depuis l’écriture des films à leur distribution en passant par tous les genres et toutes les étapes de la création cinématographique: on y trouve par exemple des programmes d’aide à l’accès au marché cinématographique, de soutien au cinéma documentaire ou au dessin animé.

      La Suisse européenne

      Cette Europe du cinéma, la Suisse en fait partie depuis longtemps, en effet, malgré son statut d’étrangère au Conseil de l’Europe — pour l’instant du moins — la Suisse s’est intéressée dès leur fondation à ces différents organismes. Grâce au travail de la Section du cinéma de l’Office fédéral de la culture, en accord avec ses différentes organisations professionnelles, la Suisse fut le premier pays non-membre de la Communauté européenne à participer à des programmes spécifiques du plan Média. Et depuis le 1er juillet 1992, la Suisse a obtenu le droit de participer de façon pleine et entière à tous les projets du plan Média. Car il en va de la survie du cinéma: pour un petit pays comme la Suisse, il est indispensable de pouvoir collaborer avec des pays plus importants comme la France, l’Italie, l’Allemagne ou l’Angleterre; seuls des accords de co-production avec l’étranger permettent actuellement de financer la plupart des longs métrages réalisés en Suisse.

      Echanges culturels

      Cette implication de la Suisse au sein de l’Europe lui permet aussi de participer à des films venus d’ailleurs et de partager ainsi d’autres cultures cinématographiques avec des techniciens et artistes venus de tout le continent. Quel plus bel exemple que de penser au Festival de Cannes, ces dernières années, la Suisse était représentée, en tant que coproductrice, par les films du Russe Nikita Mikhalkov («Les Yeux noirs»), du Grec Théo Angelopoulos («Le pas suspendu de la cigogne») ou de l’Italien Gianni Amelio («Il ladro di bambini»). L’existence d’un «cinéma européen» au niveau des structures de financement, de réalisation ou de promotion n’implique pas forcément l’existence d’une culture européenne (voir texte ci-contre). Comme le prouvent les films présentés ici, le cinéma européen ne vaut généralement que s’il est fortement enraciné dans une culture régionale qui lui est propre.
      Le programme Média-Salles, créé cette année, vise à soutenir les salles de cinéma qui diffusent le cinéma européen, suisse compris. Et c’est dans le cadre de ce projet qu’a été lancée cette semaine de cinéma européen «L’Europe se rencontre au cinéma», qui se déroulera simultanément dans 100 salles de cinéma de par l’Europe. Chaque salle choisie présentera du 18 au 24 novembre 1992 sept films réalisés par des cinéastes européens, films qui devront être présentés pour la première fois dans cette ville. Le cinéma Bio de Neuchâtel a eu l’honneur d’être une des sept salles choisies en Suisse (avec Wattwil, Bâle, Lausanne, Schaffhouse, Locarno et Lugano), pour promouvoir cette idée. C’est ainsi à la découverte de sept films inédits à Neuchâtel que vous convie le cinéma Bio, Passion Cinéma et Média-Salles: une façon inédite de découvrir la diversité de ce continent du cinéma, de l’Allemagne à l’Espagne en passant par la Belgique, la Grande-Bretagne, la France et… la Suisse.

      Le cinéma européen: du fantasme au paradoxe

      Du cinéma européen… mais, voyons, ça n’existe pas! cette affirmation peut paraître paradoxale à l’heure où on lance des super­structures européennes de production (voir ci-contre). Eh oui, dès lors que l’on s’essaye à définir un cinéma européen sur un plan es­thétique ou thématique, l’on échoue absolu­ment à concevoir quoi que ce soit.
      Le cinéma européen reste donc au stade du fantasme, tout comme la télévision à voca­tion européenne d’ailleurs: quoi de plus lo­gique, l’Europe culturelle est un concept, un plan, une projection… que je sache, a-t-on jamais créé, imaginé une chose qui n’ait existé auparavant.
      Plus que les autres créateurs, les cinéastes expriment cet état de fait, et pour cause… Considérons dès lors de la manière la plus sérieuse le paradoxe relevé ci-dessus: on lève des superstructures de production euro­péennes pour soutenir un cinéma qui s’avère régional, local, narcissique, etc. Somme toute, tout le refoulé d’une certaine idée de l’Europe. Partant, l’exploitation soutenue de ce paradoxe pourrait bien constituer notre planche de salut!
      C’est donc qu’il faut de toute urgence soute­nir les films qui font splendidement échec au fantasme dangereux de la soi-disant iden­tité européenne en déployant une altérité ir­réductible; c’est là sans doute le moyen le plus sûr de débarrasser la future Europe culturelle de sa névrose unitaire, mortifère… pour pouvoir peut-être enfin la concevoir!