Les Visiteurs du soir

de Marcel Carné |
avec Arletty, Alain Cuny, Jules Berry, Marie Déa, Fernand Ledoux, Marcel Herrand, Roger Blin, etc.

Tourné au beau milieu de la guerre aux Studios de la Victorine, à Nice (et avec la participation, en cachette, de nombreux Juifs), «Les Visiteurs du soir» est un film miraculé (de l’histoire) et miraculeux, qui s’appuie sur cette idée simple et forte: l’amour est plus fort que la mort — et le Diable lui-même n’y peut rien. En mai 1485, le Baron Hugues marie sa fille Anne au chevalier Renaud dans son beau château tout blanc. Cette situation idyllique agace le Diable, qui délègue deux de ses créatures, Gilles et Dominique, pour créer le désordre et semer la haine; Gilles devant séduire l’épouse et Dominique le marié… Mais Gilles et Anne, déjouant le complot diabolique, commencent à s’aimer vraiment; au point que le Diable, furieux, débarque au château pour mettre de l’ordre dans cette situation… Les allusions contemporaines que Jacques Prévert avait voulu introduire sur la guerre et le nazisme se sont dissoutes dans un propos beaucoup plus intemporel. Choisissant de traiter la scénographie moyenâgeuse comme si elle était «moderne» (tout le décor est blanc, immaculé, neuf) Carné stylise volontairement l’ensemble du film. Renouant avec des effets et des trucages d’une grande simplicité, il restitue la poésie de Prévert (non sans une pointe d’humour) et transforme cette fable légère en film grave et profond sur la mort.
France, 1942, noir et blanc, 2h; programme n°54

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