Les Raisins de la colère

Lundi 8 février à 22h45 sur Arte

Métayers ruinés de l’Etat d’Oklahoma, ils ont été chassés de chez eux par la misère, la mécanisation de l’agriculture et la cupidité des grands propriétaires terriens. Empruntant la mythique Route 66 qui traverse les Etats-Unis d’Est en Ouest, ils partent en quête d’une vie meilleure en Californie, qui ne leur fera guère bon accueil en les parquant pour la plupart dans des bidonvilles.

A sa parution en 1939, le roman de John Steinbeck fait scandale auprès de l’establishment. S’inspirant de son propre reportage, que lui avait commandité le San Francisco News quelques années auparavant, l’auteur de «Des souris et des hommes» y anéantit le grand récit collectif fondateur du rêve américain. Faisant fi des opinions très conservatrices des propriétaires de la 20th Century Fox, le producteur Darryl F. Zanuck achète les droits du livre et charge le scénariste Nunnally Johnson d’en effectuer l’adaptation.

Au fait de la sensibilité de John Ford pour les déraciné·es, le nabab n’a aucune à peine à convaincre le cinéaste de tourner le film. Malin, Zanuck sait que personne n’osera remettre en question un cinéaste qui vient de connaître l’un de ses plus grands succès avec «La Chevauchée fantastique» («Stagecoach», 1939), archétype du western. Le réalisateur de «Young Mr. Lincoln» enrôle aussitôt dans son équipe le prodigieux chef-opérateur Gregg Toland, seul capable à ses yeux de restituer le grain documentaire dont il avait besoin.

Le film qui en résulte est sans nul doute l’un des sommets de l’œuvre fordienne, servie par l’interprétation devenue légendaire de ce que l’on appelait à l’époque «l’écurie John Ford», Henri Fonda en tête. Certaines séquences restent inoubliables, comme celle où la famille Joad part en hâte à bord d’un vieux camion brinquebalant, ou lorsque Ma Joad (Jane Darwell), la nuit qui précède ce départ forcé, brûle tout ce qu’elle ne peut pas emporter.

Après avoir tourné une fin très cruelle pour ses protagonistes, en cela fidèle au roman de Steinbeck, Ford, à la demande de Zanuck, en filma une autre un brin plus optimiste d’une durée de quatre minutes, que le vieux briscard ajouta à la première, au lieu d’effectuer la substitution demandée. Pour mémoire, Ford, avait une manière bien à lui de garder le contrôle du montage, mettant la main sur l’objectif pour l’obscurcir quand il savait qu’il n’avait pas besoin d’une séquence prévue par le scénario agréé par la production.

The Grapes of Wrath
de John Ford
Etats-Unis, 1940, 2h10