Au fil de longs-métrages décrivant le monde ouvrier et ses revendications sociales, Robert Guédiguian varie les genres, du conte humaniste tel «Marius et Jeannette» (1997), aux polars noirs tels «La ville est tranquille» (2001) ou «Lady Jane» (2008). Alliant la conscience politique à une sombre désillusion, «Les Neiges du Kilimandjaro» constitue la synthèse de ces différents courants et la confirmation que le cinéaste a su se renouveler avec le vingt-et-unième siècle: aujourd’hui, les militants et les syndicalistes sont des petits bourgeois que de plus pauvres qu’eux sont désormais prêts à dépouiller sans état d’âme…
Michel (Jean-Pierre Darroussin) et Marie-Claire (Ariane Ascaride) sont ce que l’on appelle des personnes «engagées». Trichant volontairement lors d’un tirage au sort qui doit entériner un plan social, Michel se retrouve au chômage par solidarité. Pour leur anniversaire de mariage, le couple reçoit une petite cagnotte et deux billets d’avion pour un voyage en Tanzanie. Peu après, ils se font braquer… Conférant un aspect «contes de fées pour adultes» à son film, Guédiguian y instille un réel meurtrissant. Lucide, il se sait affabulateur, mais nous montre que c’est le seul moyen de renouer avec l’altruisme qui fait actuellement défaut à la société. Et son dix-septième long-métrage d’apparaître comme une réponse exemplaire à l’individualisme et à l’arrogance de ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent.
En guise de bonus, les fidèles de Guédiguian pourront découvrir le documentaire inédit «De la famille et d’un amour immodéré», un excellent portrait d’un cinéaste qui se raconte lui-même et que l’on découvre également via les témoignages de ses amis de l’Estaque, les Darroussin, Ascaride et autre Gérard Meylan. On y retrouve son point de vue sur les femmes, à qui il rend hommage dans tous ses films, sa filiation rêvée avec Brecht et Pasolini, les thèmes de la mort et de la survie…
Diaphana