Le vent se lève

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      A sa présentation à Venise, le directeur des Studios Ghibli a annoncé que «Le vent se lève» serait le dernier film de Hayao Miyazaki qui prend donc sa retraite, à l’âge de septante-trois ans. Si tel est vraiment le cas, son adieu au cinéma, combien regrettable, s’avère plus que réussi! Mangaka, cinéaste visionnaire et écologiste, Miyazaki est devenu en quelques dix films réalisés avec génie la star de «l’anime», le cinéma d’animation japonais. D’une beauté stupéfiante, son dernier dessin animé délaisse le féminisme et l’animisme shinto chers au réalisateur pour se concentrer avec désenchantement sur le réel et les méandres de l’Histoire.

      En cela, «Le vent se lève» porte non seulement l’empreinte de la catastrophe de Fukushima, mais aussi celle de la propre existence de Miyazaki, celles de sa mère atteinte de tuberculose et de son père, qui fabriquait des bombardiers. Et le cinéaste de conjurer lui-même ses angoisses d’enfant dans son ultime œuvre, dont le titre est tiré d’un vers de Paul Valéry, «Le vent se lève… Il faut tenter de vivre!», une métaphore de l’incertitude, comme si le monde selon Miyazaki était arrivé à un nouveau point de bascule…

      «Le vent se lève» nous propulse dans les années 1920, dans un Japon en proie à des désastres qui évoquent les catastrophes actuelles: le grand séisme de Kantō en 1923, la Grande Dépression, les épidémies et le basculement dans la Deuxième Guerre mondiale… Miyazaki nous raconte l’histoire véridique de Jirō Horikoshi qui, enfant déjà, rêvait de construire des aéroplanes. Devenu adulte, alors que son aimée Naoko souffre de tuberculose, cet idéaliste va concrétiser son rêve, mais en construisant l’avion de combat «Zero-sen», dont allaient se servir les kamikazes. De cette contradiction et de ce rêve dévoyé par l’Histoire, Miyazaki tire un mélo animé admirable d’humanité, dont les traits atteignent une épure formidable en épousant l’ondulation et la poésie du vent!

      de Hayao Miyazaki
      Japon, 2014, 2h06