Le Temps qu’il reste

A voir jeudi 9 mai 2013 à 23h55 sur France 3 |

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Présenté à Cannes en compétition, le troisième long-métrage du Palestinien Elia Suleiman s’inscrit dans la continuité d’une œuvre autobiographique à nulle autre pareille. Avec son physique à la Buster Keaton («l’homme qui ne riait jamais»), Suleiman semblait comme prédestiné à devenir un grand auteur comique. Né en 1960 à Nazareth, enfant, il a grandi dans le non-sens: affublé du qualificatif «arabe israélien» («palestinien» était alors un mot interdit), Suleiman a passé d’abord sa rage en tapant sur une batterie dans un groupe de heavy metal. Plus tard, après un séjour à New York, il s’est décidé à devenir cinéaste.

Après «Chronique d’une disparition» (1996) et «Intervention divine» (2002), cet auteur complet récidive avec «Le temps qu’il reste» où il demeure complètement fidèle à sa démarche et par conséquent au célèbre mot de Boris Vian: «L’humour, c’est la politesse du désespoir.» A la façon subtile d’un Jacques Tati, mais qui serait de mauvaise humeur, ce clown triste et subversif instruit un procès en absurdité de l’occupation israélienne. Comme dans ses deux premiers films, Suleiman procède par saynètes piquetées de gags récurrents, cette fois tirées de carnets personnels de son père et des lettres que sa mère écrivait aux membres de la famille dispersée.

Cet art de la vignette, où il apparaît toujours en jouant le rôle de l’exilé taiseux qui revient chez lui, n’a pas l’ambition d’un grande leçon de géopolitique. Il s’agit plutôt de dénoncer l’arbitraire, la souffrance, souvent sur fond de querelles de voisinage, parce que nous sommes là dans la vraie vie, celle où un Arabe qui va et vient dans la rue en papotant sur son téléphone portable peut être constamment suivi par un char au canon braqué. Grand ressort du cinéma burlesque, le gag de «disproportion» s’actualise ici avec une pertinence douloureuse. Le reste est à l’avenant, souvent enveloppé d’un silence réprobateur, dernier recours pour manifester son opposition à l’intolérable.

The Time That Remains
de Elia Suleiman
France / Palestine, 2009, 1h45