Le Grand Soir


Après les géniaux «Aaltra», «Avida», «Louise-Michel» et «Mammuth», les compères Delépine et Kervern poursuivent leurs méfaits cinématographiques, avec un rire toujours jaune! Prix du Jury Un Certain Regard à Cannes, «Le Grand Soir» est révélateur de leur cinéma d’auteur formellement déjanté, mais accessible et accrocheur.

Dans une zone commerciale coquette, les Bonzini (Brigitte Fontaine et Areski Belkacem) tiennent le restaurant «rapide» La Pataterie. Leur fils Not (Poelvoorde) est un punk à chien. Vendeur dans un magasin de literie, son frère Jean-Pierre (Dupontel) se retrouve sans travail. Une fois réunis, le marginal et le bourgeois, bientôt renommé «Dead», décident de tenter le «grand soir», ce vieux rêve soixante-huitard où les exploités renversent les puissants.

Tenant Not à l’écart des centres commerciaux, symboles de la chute sociale de Dead, les cinéastes décrivent une classe moyenne à l’agonie, épuisée par les crédits, la compétitivité et l’individualisme forcenés. Partant, ils se servent à merveille de la vidéosurveillance (réelle) des supermarchés pour exprimer la perte d’humanité, le déclassement fulgurant et l’arbitraire dont chacun peut être la victime.

Avec un lyrisme étonnant et avec le concours d’acteurs hilarants (dont les apparitions de Yolande Moreau, Gérard Depardieu, Bouli Lanners et même Barbet Schroeder), «Le grand soir» révèle sans aucun mépris pour quiconque la tragédie de l’indifférence, quand l’immolation par le feu devient vulgaire spectacle… Dans un monde aliéné par la consommation, seuls les marginaux détiennent désormais la candeur nécessaire à changer les choses. Vivement le grand soir!

de Benoît Delépine & Gustave Kervern
France, 2011, 1h32

à voir à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds