Le Diable boiteux

A voir dimanche 10 mars 2013 à 0h15 sur France 3 |

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L’air de rien, Sacha Guitry a été l’un des grands cinéastes du parlant, un expérimentateur narquois et badin qui a contribué à faire basculer le cinéma dans l’ère moderne du soupçon. Les rebelles de La Nouvelle Vague ne s’y trompèrent pas, faisant de Guitry l’un de leurs précurseurs, Truffaut et Godard en tête!

Acteur devenu écrivain et dramaturge puis cinéaste, Sacha Guitry a cultivé certaines ambiguïtés sous l’Occupation, croyant que le génie français survivrait à la barbarie nazie. A la Libération, le réalisateur a connu la prison et l’infamie. En 1948, le réalisateur du génial «Roman d’un tricheur» (1936) renoue avec le film historique qui lui avait valu son plus grand succès populaire avant-guerre («Les Perles de la Couronne»).

Surnommé «le Diable boiteux», Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) a servi la France en suscitant des commentaires très contrastés : traître cynique, vicieux et corrompu pour les uns, dirigeant pragmatique et visionnaire pour les autres. Avec une amertume à peine dissimulée, Guitry endosse la défroque de l’homme d’Etat, en projetant sur son personnage sa propre situation d’artiste vilipendé à la Libération.

Homme de l’ombre, Talleyrand conseille aux souverains d’apparaître ou de disparaître au gré des mouvements de l’Histoire, guidé par la seule certitude de son «indéfectible patriotisme». De façon symbolique, et pour le moins insolente, Guitry a fait jouer ses quatre domestiques par les mêmes acteurs qui interprètent Napoléon, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe.

de Sacha Guitry
France, 1948, 2h05