Tiré d’un livre pour enfants du romancier britannique Michael Morpurgo, le «Cheval de guerre» de Steven Spielberg retrace l’odyssée de Joey, un cheval entraîné au grand galop dans l’horreur de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle furent sacrifiés près de huit millions de ses congénères. Séparé de son jeune propriétaire Albert (Jeremy Irvine), le malheureux équidé est réquisitionné par l’armée britannique et envoyé sur le front d’un conflit où l’usage intensif des mitrailleuses et des gaz toxiques rend toute galopade obsolète, et donc parfaitement suicidaire.
Qui connaît l’œuvre de Spielberg, sait son penchant intermittent pour la mièvrerie et les trop bons sentiments (à en rendre insupportable un tire-larmes comme «La Couleur pourpre»), comme si l’auteur des «Dents de la mer» et de «La Guerre des mondes» devait parfois compenser sa prédisposition, autrement passionnante, pour la cruauté. Partant, la première et la dernière partie de «Cheval de guerre», consacrées au lien très fort qui unit le jeune fermier et le cheval, restent comme engluées dans la pâte douceâtre du mélo que Spielberg fait monter avec force chromos. Qu’importe, car il nous reste la partie médiane, rassemblant des séquences parmi les plus fortes jamais tournées par le cinéaste!
Livrée à elle-même, la pauvre bête est montée par une succession de cavaliers éphémères qui tombent sous les balles alors qu’ils chargent inlassablement sabre au clair. En résulte un spectacle d’une intensité absolument terrifiante, restitué par un montage dont la violence inouïe et nullement gratuite nous édifie bien plus sûrement que les trémolos et œillades éplorées des protagonistes. Terrassé par ces visions dantesques, le spectateur en oublierait presque la conclusion plutôt convenue qui voit Albert, trop jeune pour s’engager, aller rechercher de manière héroïque son cheval tellement aimé…
War Horse
de Steven Spielberg
Etats-Unis, 2011, 2h27
à voir à La Chaux-de-Fonds et à Neuchâtel