Latcho Drom

de Tony Gatlif |
musiciens et interprètes: Talab Khan Barna, Daoud Langa, Gazi Khan Barna (Rajajasthan); les Musiciens du Nil (Egypte); Hasam Yarim Dunya (Turquie); le Taraf de Haïdouks (Roumanie); Rostas Szabina, l’ensemble Kek Lang (Hongrie); Marichka (Slovaquie); Dorado et Tchavolo (France); les Gitans de Badajóz, La Caita (Espagne); etc.

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    Français d’origine gitane, le réalisateur Tony Gatlif avait déjà indirectement évoqué le monde tsigane dans ses précédents films de fiction, en particulier Les princes, en 1983. Mais il n’avait jamais abordé de face un univers dont la principale nature est celle du déplacement, du voyage, de la fuite; un univers par conséquent insaisissable que le cinéaste a choisi de figer, l’espace d’un film, à travers la seule chose qui réunit tous les gitans du monde, qu’ils soient appelés Louars au Rajasthan, Ghaziya en Haute-Egypte, Tsiganes ou Roms ailleurs: la musique.

    Cette musique, pour différente qu’elle soit de pays à pays, tisse une géographie nouvelle, une bande de terre et de notes qui va de l’Inde à l’Andalousie en passant par l’Egypte, la Turquie, la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie ou la France. «Les instruments — écrit Gatlif — semblent broder une mélodie unique: l’histoire d’un peuple dont le seul destin est le voyage. Latcho drom… ce qui veut dire: bonne route!».

    Ainsi, Tony Gatlif et sa caméra sont partis en voyage pour filmer et enregistrer les musiques, les chants et les danses du peuple tsigane. Le cinéaste n’agit ni en ethnographe, ni en reporter: il se contente de saisir des traces, de recueillir la mémoire d’un peuple — sans jamais vouloir l’expliciter à travers une voix off ou des commentaires. Parfois, il met en scène des bribes de fiction: des villageois expulsent les gitans de leur localité; quelques barbelés et un tatouage sur un avant-bras rappellent le génocide des tsiganes sous le régime nazi; la police espagnole fait murer un squatt où logeaient des chanteurs de flamenco… Ces scènes, muettes, agissent de façon symbolique et renforcent la primauté donnée à la musique.

    Cette musique est surtout le gage de la vérité du film, grâce à la ferveur de ses interprètes; qu’ils jouent leur propre folklore ou qu’ils transcendent la musique du pays dans lequel ils se sont fixés, ces Gitans incarnent alors une nation idéale qui ne se reconnaîtrait pas à l’intérieur de frontières géographiques mais culturelles: une culture du voyage, de la découverte et de la tolérance.

    France, 1993, couleur; 1h20, programme n°33

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