L’art du conflit

Programme n°253 |

Du 20 décembre 2022 au 24 janvier 2023, Passion Cinéma présente 9 films inédits qui démontrent l’aptitude des cinéastes à jouer avec l’art du conflit. En prime, ne manquez pas les venues du réalisateur Albert Serra, puis des réalisatrices Ursula Meier et Erige Sehiri.

Le cinéma, et avant lui le théâtre, est un art du conflit. Il n’est même que cela, arguent à n’en plus finir les producteur·trices, se faisant de la sorte, et peut-être sans le savoir, les zélateur·trices du philosophe Aristote qui en jeta les bases fondatrices dans sa «Poétique», il y a de cela plus de deux-mille ans.

Promesse biblique

A les entendre, le conflit constitue une promesse quasi biblique de succès, le Saint-Graal qui permettra d’arrimer solidement le public au film. Car qui dit conflit, dit aussi résolution, et donc promesse d’un happy end. Avec, en perspective, la présence combien rassurante de la Sainte-Trinité narrative, elle aussi très aristotélicienne dans sa structure, à savoir: un début (exposition du conflit), un milieu (sa gestion) et une fin (sa résolution).

Élément moteur

C’est un fait, la plupart des dix-mille films tournés chaque année dans le monde ont pour moteur une dramaturgie conventionnelle du conflit, même si certain·es cinéastes s’en passent visiblement à merveille, à l’instar d’un Antonioni («L’Avventura», «Le Désert rouge»), d’un Jacques Tati («Les Vacances de Monsieur Hulot», «Playtime») ou d’une Chantal Akerman («Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles» qui vient d’être proclamé meilleur film du monde par 1639 spécialistes du cinéma).

Déstabilisation

Mais les grand·es réalisateur·trices qui y ont recours savent tout l’art de déstabiliser la Sainte-Trinité évoquée ci-dessus, de subvertir sa dimension parfois si bêtement ternaire, comme en attestent les films choisis par Passion Cinéma pour son nouveau cycle. A commencer par «La Ligne» où Ursula Meier nous astreint à nous confronter au non-dit, à l’hypothèse, au plus grand profit de notre intelligence. Idem pour l’extraordinaire «Pacifiction» dans lequel Albert Serra déjoue de façon admirable le schéma potentiellement lénifiant du conflit pour restituer toute la complexité du réel qui est le nôtre, aidé en cela par la performance prodigieuse de Benoît Magimel.

Vincent Adatte