Aki Kaurismäki |
avec Kati Outinen, Elina Salo, Esko Nikkar, etc.
Nonobstant son ironie mordante, Aki Kaurismâki, à l’instar d’un Krzystof Kieslovski, est un cinéaste absolument respectueux: en témoigne la séquence d’ouverture de «La Fille aux allumettes» qui nous accorde les moyens nécessaires à la compréhension du dernier volet de sa «trilogie prolétarienne».
Nous sommes ainsi faits: dès lors qu’un objet possède une certaine aura, nous lui prêtons facilement une origine «noble»; il en va ainsi des allumettes, et pourtant! En quelques plans secs, Kaurismäki casse l’illusion: découpage automatique, pose du souffre automatique, empaquetage automatique, la fabrication de l’allumette n’a vraiment rien de poétique! Avec son sens inégalable du raccourci ironico-didactique, le cinéaste installe au bout de cette chaîne bruyante et laide son héroïne, une jeune fille qui se borne à vérifier l’encollage des étiquettes figurant sur les boîtes d’allumettes.
Envers et contre la réalité de ce milieu, la jeune fille réitère pourtant notre illusion coupable: elle rêve d’une autre vie, celle qu’elle découvre dans des romans-photos; s’efforçant à concrétiser ce rêve, elle en constate toute l’inanité et en conçoit une amertume meurtrière.
Tout à la fois cruel et profondément honnête, Kaurismäki met en scène sa tentative de la même manière que la chaîne de fabrication des allumettes; produisant une équivalence terrifiante, mais des plus signifiantes: le portrait filmé d’une conscience configurée par la société de l’industrie, décrite en une heure et dix minutes, et dont les images participent par conséquent de la plus grande rentabilité, question sens, s’entend!
TULITIKKUTEHANTA TYTTÖ, Finlande, 1989, 1h10, couleur; programme n°10