A voir lundi 23 juillet 2012 à 20h50 sur Arte
En premier lieu, déplorons le titre français dont on a affublé le second film de la trilogie que John Ford (1894-1973) a consacré à la cavalerie. Ce western déjà crépusculaire n’a rien d’héroïque et ne présente aucune charge digne de ce nom! Nous lui préférons, et de loin, son intitulé original, «She Wore a Yellow Ribbon» («Elle portait un ruban jaune»), lequel fait allusion à une coutume de l’époque qui voyait une jeune fille porter un ruban jaune pour signifier qu’elle était amoureuse.
Tourné en 1949, un an après «Le Massacre de Fort Apache» («Fort Apache») qui ouvrait sa trilogie dédiée à la United States Army Cavalry, le 117e film de fiction de Ford (qui en a tourné 153 au total, dont la majorité à l’ère du Muet) frappe par sa profonde mélancolie.
Nous sommes en 1876, peu après la défaite du général Custer, qui incite les tribus indiennes à se regrouper pour résister à «l’envahisseur». Dans un poste isolé de la Frontière, le Capitaine Nathan Brittles (John Wayne) voit les quelques jours qui le séparent de la retraite gâchés par ce regain de tension. Entretenant de bons rapports avec les Indiens, Brittles va tenter le tout pour le tout, en créant de toute pièce une fausse «charge» pour éviter un bain de sang…
Film sur l’échec où plane l’ombre de la mort, «She Wore a Yellow Ribbon» possède un rythme à nul autre pareil, calqué sur la démarche fatiguée de son protagoniste. Volontairement vieilli, John Wayne accomplit une performance à la hauteur de son immense talent. La scène où il soliloque devant la tombe de sa femme enterrée en plein désert est proprement inoubliable…
Filmé en Technicolor, dans le décor grandiose de Monument Valley, où Ford a tourné ses plus grands westerns, cette élégie triste surprend aussi par sa prise de position en faveur des Indiens (pour mémoire, ces derniers n’étaient que des ennemis hurleurs dans «La Chevauchée fantastique», archétype du genre tourné dix auparavant). Ford ira encore plus loin dans le sublime «La prisonnière du désert» (1956)… Cette évolution n’est pas sans rapport avec son exécration du maccartisme, ce républicain invétéré n’hésitant pas à comparer la chasse aux sorcières menée par le sénateur Maccarthy (qui rendit Hollywood exsangue) aux méthodes de la gestapo!
She Wore a Yellow Ribbon
de John Ford
Etats-Unis, 1949, 1h40