Julie (en 12 chapitres)

Cannes 2021, Prix d’interprétation féminine |

de Joachim Trier
avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum, etc.

Cinéaste des plus talentueux, le Norvégien Joachim Trier signe un cinquième long-métrage remarquable, qui a vu son interprète principale, la lumineuse Renate Reinsve, remporter en juillet dernier à Cannes un Prix d’interprétation féminine ô combien mérité. Avec «Nouvelle donne» (2006), sur la rivalité de deux jeunes écrivains, et «Oslo, 31 août» (2011), errance solaire d’un ex-toxicomane en proie à ses démons, «Julie (en 12 chapitres)» forme une trilogie dédiée aux trentenaires qui s’efforcent d’être à l’équilibre, entre jeunesse gonflée de désirs et maturité en voie de désillusion.

Via un prologue en flash-back pince-sans-rire et guidé par une voix off subtilement décalée, l’on fait connaissance avec la protagoniste du film, ou plutôt avec son indécision profonde qui la voit multiplier les études (médecine, psychologie, photographie) et les expériences sexuelles, avant d’exceller en vendeuse en librairie. S’égrènent ensuite douze chapitres (comme l’avait fait jadis Godard dans «Vivre sa vie») mis en scène par Trier avec une suprême élégance où Julie va progressivement établir une carte du Tendre déconcertante et complètement dans l’air du temps, se cherchant sans cesse mais sans jamais vraiment réussir à se trouver.

Hantée par l’idée (très cinématographique) qu’elle rencontrera un jour la bonne personne, qu’elle fera le bon choix professionnel, la jeune femme est en quête perpétuelle et désordonnée du bonheur. Aux deux-tiers de la narration, la légèreté apparente du propos se voile peu à peu de gravité, jusqu’à un épilogue poignant qui serre le cœur. Le titre original du film prend alors tout son sens: «La pire personne du monde», ainsi que se définit elle-même Julie, à laquelle Renate Reinsve prête ses traits de façon inoubliable, exprimant toute la palette du sentiment amoureux…

VERDENS VERSTE MENNESKE (THE WORST PERSON IN THE WORLD), Norvège, 2021, couleur, 2h01, programme n°243