«Jackie»

A voir en DVD!

Le réalisateur chilien Pablo Larraín est l’auteur d’une œuvre de fiction politique trépidante, notamment constituée de «Tony Manero» (2008), «Santiago 73, post mortem» (2010) et «No» (2012) – les trois volets d’une trilogie à la fois galvanisante et dérangeante sur la dictature de Pinochet, qui interrogent l’idée même de démocratie. Après «El club» (2015), un pamphlet virulent sur la retraite de quatre prêtres pédophiles, récompensé de l’Ours d’argent à Berlin, et le très récent «Neruda», consacré au célèbre poète et politicien communiste, le cinéaste consacre son premier film en langue anglaise à Jackie Kennedy.

Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy est assassiné sous les yeux de son épouse Jacqueline, dite Jackie, en plein défilé motorisé à Dallas. Quelques mois après sa mort, la veuve du président reçoit Theodore Harold White, journaliste au magazine LIFE, dans sa somptueuse résidence à Hyannis Port, dans le Massachusetts. Intransigeante face au reporter, elle commence à dérouler le fil de la tragédie et de sa mémoire, de l’assassinat aux funérailles, en passant par le tailleur rose tâché de sang qu’elle a continué à porter pour montrer au monde ce qu’on avait fait à son mari…

Suivant Jackie en plans serrés, Pablo Larraín retrace la journée de l’assassinat, où John apparaît ça et là en accroche, et le traumatisme d’une femme d’une maturité et d’une dignité exceptionnelles. Pour décrire sa conscience d’appartenir à l’Histoire et y happer le spectateur, le cinéaste se fait même faussaire en la filmant au sein d’archives reconstituées d’une authenticité impressionnante, où elle semble regretter l’état dans lequel Mamie Eisenhower lui avait laissé la Maison-Blanche…
Ne quittant presque jamais l’ex-première dame, Larraín relaie à merveille son point de vue et les émotions qui jaillissent de son visage. Plaçant ainsi le spectateur au cœur du drame, il réussit nombre de scènes intimistes, d’où suintent la violence, la tension, les jeux de pouvoir et les conséquences de la mort de JFK. Sublimé par la caméra mobile du cinéaste, une musique lancinante et la prestation tout en nuances de Natalie Portman, «Jackie» est sans doute l’une des meilleures biographies filmées depuis longtemps, tant elle démythifie l’Histoire officielle et l’image qu’en a donné l’Amérique jusqu’ici.

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