Histoire de Marie et Julien

de Jacques Rivette |
Avec Emmanuelle Béart, Jerzy Radziwilowicz, Anne Brochet, Nicole Garcia, etc.


Jacques Rivette est la preuve combien vivante que la vieillesse d’un cinéaste peut parfois être des plus heureuses. A mille lieux de la déchéance qui marquèrent dans leur chair des génies comme Buster Keaton ou Erich von Stroheim, Rivette, à septante-cinq passés, continue à faire son cinéma (dont nous ne nous priverions pour rien au monde), se payant même le luxe de concrétiser avec «Histoire de Marie et Julien» un vieux projet inabouti, qui remonte à presque trente ans en arrière, l’un de ses «trois films fantômes», comme il le dit lui-même – ce n’est donc pas un hasard s’il s’agit d’une histoire de revenants! En 1975, une année après l’inoubliable «Céline et Julie vont en bateau», Rivette projette de tourner une série de quatre films fantastiques, qu’il intitule selon les moments «Les filles du feu» ou «Scènes de la vie parallèle». Il enchaîne les tournages du deuxième et troisième volets («Duelle» et «Noroît»), avant de disparaître, épuisé, au troisième jour de tournage du troisième (sans donner un mot d’explication)… Il y a tout Rivette dans cette attitude, à la fois libre, imprévisible, secret. En accord avec cette belle idée, déjà ancienne, qui énonce qu’«un film est l’histoire de son tournage», le cinéaste fait littéralement revenir cette vieille histoire. En ranimant de la façon la plus érotique le corps d’Emmanuelle Béart, qu’il avait jadis pétrifié dans «La belle noiseuse» (1991), Rivette réussit un grand film sur le couple, dont l’élément fantastique apparaît alors comme un trompe-l’œil.
France, 2003, couleur, 2h25, programme n°115