A voir dimanche 14 octobre 2012 à 0h25 sur France 3 |
Premier film du cycle que l’indispensable Cinéma de Minuit de France 3 consacre au cinéaste américain William Wellman (1894-1975), «Frisco Jenny» (1933) est une rareté à découvrir avec gourmandise… Rescapée miraculeuse du tremblement de terre de San Francisco en 1906, Jenny Sandoval (Ruth Chatterton) a dû apprendre à vivre sans son fiancé qui a péri enseveli sous les décombres. Après avoir mis au monde leur enfant, elle s’est résolue, la mort dans l’âme, à faire adopter son bambin, craignant le scandale et de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins.
Les années passent, Jenny tient un pince-fesse qui est devenu le rendez-vous favori de la pègre qui s’y sent très à l’aise. Se faisant désormais appeler Frisco, elle garde l’œil sur ses «filles» qui délestent de quelques dollars les hommes esseulés venus s’enivrer dans ce «lieu de perdition». Sans nouvelles de son fils, Jenny ignore que celui-ci est devenu un procureur implacable qui rêve d’éradiquer la prostitution dans tout l’Etat de Californie. Las, la tenancière désabusée tue son associé, sans doute en état de légitime défense, mais il n’y a aucun témoin pour confirmer sa version. Bien évidemment, le procureur, qui ne sait pas qu’elle est sa mère, en profite pour la traduire en justice, désireux de l’envoyer en prison pour de longues années!
Comme à l’accoutumé, Wellman casse à plusieurs reprises les conventions du mélodrame auxquelles il était censé se conformer. Jouant sur la rupture de ton en distillant de brusques accès de violence et des gags qui font rire jaune, il confère à la maison de débauche tenue par Jenny une humanité complexe qui enraye les rouages simplistes du mélodrame populaire. Même si le film est parfois inégal, il préfigure parfaitement les chefs-d’œuvre à venir, «Héros à vendre» (1933), «L’Etrange incident» (1943) ou encore l’étonnant «Convoi de femmes» (1951). Ajoutons encore qu’il bénéficie de l’interprétation exceptionnelle de Ruth Chatterton (1892-1961), une actrice formidable qui déserta Hollywood, à cause de la stupidité de la plupart des rôles qu’on lui proposait…
de William A. Wellman
Etats-Unis, 1932, 1h13