«Et Dieu dans tout ça ?»

Caméra-stylo, programme n°74 |


Au jour d’aujourd’hui, de plus en plus nombreux sont les metteurs en scène, et non des moindres, qui s’ingénient, avec génie parfois, à resacraliser l’espace cinématographique, à filmer les heurts et malheurs du spirituel ici-bas, à user du pouvoir de démiurge qui leur est conféré pour gagner un supplément d’âme… Ce retour d’esprit a valeur de signe, il traduit, et c’est une évidence, une inquiétude.

Rien à voir, ou si peu, avec le premier film dit «religieux» de l’Histoire du cinéma, cette «Passion» racontée en quarante tableaux (comme on disait à l’époque) entreprise pour la firme Pathé de 1902 à 1905 par le pionnier Ferdinand Zecca. Notons toutefois que ce film primitif et très sulpicien reste très important sur le plan de l’innovation cinématographique, puisqu’on y constate pour la première fois un usage généralisé du mouvement panoramique. Rien à voir non plus avec l’exploitation intensive des signes du «religieux» accomplie par Hollywood durant son âge d’or et qui attestait, rien de plus, de la bonne santé morale de la communauté idéale et américaine, recréée à l’infini par films interposés — un plan pour le pasteur bénissant la caravane des pionniers en route vers la Terre promise suffisait, en général!

Un certain cinéma passant entre les mains des auteurs, il y eut soudain un peu plus à voir: se sentant responsables de la création de leurs mondes cinématographiques, certains ont commencé à faire de leurs travellings une affaire de morale. Dans les ruines de l’après-Seconde Guerre mondiale, les Rosselini, Bresson, Bergman, Dreyer (lui, bien avant) se sont efforcés de rassembler ce qui restait d’esprit et de le confronter à ce qui restait du pauvre monde; posant déjà avec les images et les sons la question: et Dieu dans tout ça?

A l’heure actuelle, avec la circulation générale des choses de l’esprit (parfois tant bien que mal), le phénomène s’est encore amplifié, ainsi que le prouvent les onze films programmés par Passion Cinéma: que ce soit en Iran, aux États-Unis, en Afrique, en Europe, chacun s’essaye à retrouver le secret de la connexion (pour parler un langage d’aujourd’hui).

Vincent Adatte