Ernesto «Che» Guevara, le Journal de Bolivie

de Richard Dindo |
voix française: Jean-Louis Trintignant

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    Pour contrer, avec une efficacité étonnante, la pseudo-objectivité du cinéma, le metteur en scène suisse Richard Dindo a élaboré une démarche à nulle autre pareille: il s’est fait biographe. Mais il s’agit d’un biographe usant d’une méthode très particulière, car, voyez-vous, il part toujours de la «propre» autobiographie (le pléonasme est utile) du personnage dont il veut nous entretenir; un personnage disparu, mort, irrémédiablement absent, et qui donc ne subsiste plus que par et dans la mémoire.

    Le travail du cinéaste consiste alors à reconstituer le récit autobiographique de ce personnage, en le confrontant à la réalité des lieux (parfois des personnes) qu’il a décrits dans son autobiographie. Cette démarche, qui joue sur le trop tard lancinant de l’acte de remémoration, dévoile le mystère profond de l’altérité: seul et abandonné dans les lieux décrit par les «autobiographes», le spectateur fait alors l’expérience, à chaque fois inoubliable, de la différence; il l’éprouve d’autant plus violemment que le personnage est absent, de telle sorte que le processus d’identification engendré par le «mauvais» cinéma est étouffé dans l’œuf…

    En démontrant ainsi la subjectivité de l’«autobiographe», Dindo ruine la prétention d’objectivité que certains ont pu prêter au cinéma documentaire, sans rien entamer de ses vertus cognitives, bien au contraire!
    Après Arthur Rimbaud («Arthur Rimbaud – une biographie») et la peintre Charlotte Salomon («Charlotte: vie ou théâtre?»), l’auteur de «Dani, Michi, Renato & Max» soumet à sa démarche le journal intime de Che Guevara; suivant mot à mot, pas à pas, l’itinéraire signalé par l’«autobiographe»: du départ mystérieux de Cuba, à son arrivée en Bolivie, à La Paz, jusqu’aux vingt derniers jours de sa guérilla qui allait s’achever par son assassinat, le 9 octobre 1967, dans la petite école d’Higuera. A nouveau, la méthode fait merveille! Entraîné sur les lieux mêmes, le spectateur fait l’expérience d’une altérité irréductible qui indique toute la différence qui, aujourd’hui, nous sépare du «Che»…

    ERNESTO CHE GUEVARA, DAS BOLIVIANISCHE TAGEBUCH, France / Suisse, 1994, couleur & noir et blanc, 1h40; programme n°33