Des Oiseaux petits et grands

Cannes 1966, en compétition
de Pier Paolo Pasolini
avec Totò, Ninetto Davoli, Femi Benussi, Umberto Bevilacqua, etc.


Aux abords d’une petite ville d’Italie, un père et son fils aux noms prédestinés – Innocenti Totò et Innocenti Ninetto – vont de maison en maison pour réclamer aux pauvres leurs loyers impayés. En chemin, ils rencontrent un corbeau qui a le pouvoir de parler. Sautillant, ce dernier les interroge sur les choses de la vie et précise qu’il «vient de l’Idéologie, rue Karl Marx». C’est donc un corbeau de gauche, incarné par Pasolini lui-même, qui les abreuve de paroles philosophiques et pseudo-religieuses, à tel point que les deux compères se retrouvent transformés en moines franciscains du 17ème siècle, chargés d’apprendre le langage des oiseaux pour les convertir à l’Evangile! Revenus à la réalité après avoir réussi à piailler comme des moineaux, les deux compères poursuivent leur mission plutôt inhumaine…

Démontrant le dialogue impossible entre l’intellectuel et le peuple «innocent», «Des oiseaux petits et grands» est une comédie philosophique et ironique qui fait figure d’œuvre singulière dans la filmographie de Pasolini. D’une part, grâce au grand comique Totò – qui trouve enfin un réalisateur à sa mesure – le cinéaste livre sa forme la plus amusante et parvient à distiller un comique burlesque qui évoque Chaplin ou Laurel & Hardy. D’autre part, comme en témoignent les noms révélateurs des rues que parcourent nos drôles d’oiseaux, ce film constitue une critique acerbe d’une gauche intello incapable de saisir les aspirations populaires. Avec un humour fin et piquant, Pasolini va même beaucoup plus loin en dénonçant l’égoïsme profond de l’homme, notamment dans cette scène sublime où une pauvre mère explique à Totò qu’elle fait dormir ses enfants depuis quatre jours pour leur faire oublier qu’ils crèvent de faim!
UCCELLACCI E UCCELLINI, Italie, 1966, noir et blanc, 1h29, programme n°157