Chasse à l’homme

A voir dimanche 25 novembre 2012 à 0h30 sur France 3 |

Déclinant l’invitation d’un Goebbels admiratif qui lui propose de prendre la direction du cinéma du Troisième Reich, Fritz Lang dit avoir pris le premier train pour Paris. Débutant une seconde carrière à Hollywood, l’exilé n’a eu alors de cesse d’essayer de comprendre pourquoi ses films avaient tant fasciné ses ennemis. Procédant à une épure radicale, rompant avec le mouvement expressionniste et son grand art des ombres et des lumières recyclé «en vrai» au Congrès de Nuremberg pour édifier les esprits, Lang réalise des œuvres souvent déconcertantes qui en sont l’antithèse, une déconstruction froide et analytique des puissances du faux, et peut-être la manière de se guérir du fascisme en soi!

Dans cette perspective expiatoire, le sixième film de sa période «américaine» constitue un raccourci aussi magistral que fascinant de cette auto-analyse. «Chasse à l’homme» («Man Hunt», 1941) constitue en effet une manière de fantasme absolu, très lucidement non réalisé: peu avant que la guerre n’éclate, un chasseur britannique qui séjourne dans les Alpes bavaroises tient Hitler dans le viseur de son fusil. Par jeu, Alan Thorndike (Walter Pidgeon) presse sur la gâchette, alors qu’il sait que son arme n’est pas chargée. L’instant d’après, il charge son fusil. Trop tard, il est arrêté et torturé par la gestapo. Echappant miraculeusement à ses tortionnaires, le chasseur «bredouille» rentre à Londres (infestée d’espions nazis) et n’aura de cesse de vouloir reproduire cette occasion perdue…

Premier des quatre grands films de propagande antinazie de Lang, «Chasse à l’homme» délivre par la bande un message très pessimiste sur «l’être humain révélé par la guerre», qu’il soit britannique ou allemand… Merci au Cinéma de Minuit de nous permettre de revoir ce chef-d’œuvre secrètement ironique et bien plus complexe qu’il n’en a l’air!

Man Hunt
de Fritz Lang
Etats-Unis, 1941, 1h40