Calculs meurtriers

A voir mercredi 2 août 2017 à 22h40 sur RTL9 |

calculs-meurtriers_WEB

Pour fêter l’an 2000, le cinéaste Barbet Schrœder était allé tourner en Colombie, à Medellin (où il avait vécu une partie de sa prime enfance) l’un des films les plus dérangeants de la décennie («La Vierge des tueurs»). Repassant par Hollywood, Schrœder persiste et signe dans sa résistance au «prêt-à-porter» humaniste avec «Calculs meurtriers». Brodant sur un canevas qui rappelle «La Corde» (1948) d’Alfred Hitchcock, le cinéaste détourne très habilement les conventions du thriller pour tailler en pièces le discours manichéen et élitaire dont Bush Jr. et ses sbires se prévalent pour justifier leur politique insane.

A priori, Richard Haywood (Ryan Gosling) et Justin Pendleton (Michael Pitt) ne semblent vraiment pas à plaindre: riches, cultivés, intelligents, regardant peu ou prou la «vilaine» télévision, ces deux fils de bonne famille n’ont en rien le profil type du délinquant juvénile. Et pourtant… Figurez-vous que ces deux ados si bien lotis échafaudent une théorie du meurtre gratuit parfait qu’ils mettent à exécution avec une certaine réussite. Seule une inspectrice opiniâtre du nom de Cassie Mayweather (jouée par une Sandra Bullock enfin bien dirigée) peine à croire qu’un pauvre concierge ait pu perpétrer un tel assassinat…

Conscient du caractère spécifiquement cinématographique de son propos, Schrœder crée le suspense en traitant le plan infaillible imaginé par Richard et Justin comme s’il s’agissait d’«un scénario dans le scénario». Avec une lucidité farouche, il se refuse à diaboliser les deux chérubins, mais les présente au contraire comme les produits logiques (et nullement déments) d’une société où le fait d’appartenir à une soi-disant classe supérieure semble à nouveau donner tous les droits… Le cinéaste conjure le retour ces vieux démons en montrant que cet acte criminel d’une abstraction monstrueuse (comme l’étaient déjà les camps de la mort nazis) peut être déjoué par la nature humaine elle-même – l’un des deux jeunes tueurs sera trahi par le vomi qu’il a laissé «échapper» au moment du crime!

Murder by numbers
de Barbet Schroeder
Etats-Unis, 2002, 1h58