Boyhood

A voir mardi 8 août 2017 à 22h05 sur RTS Un |

Le cinéaste américain Richard Linklater voue aux effets de la durée sur l’être humain une fascination des plus fécondes. Tournée avec les mêmes acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke) entre 1995 et 2013, à chaque fois dans un intervalle de neuf ans, sa trilogie «Before» («Sunrise», «Sunset» et «Midnight») capte la fuite du temps et l’érosion des sentiments d’un couple franco-américain. Avec «Boyhood» («Enfance»), le cinéaste étasunien s’appuie sur un dispositif semblable, mais dont il tire une émotion sans pareille.

Pendant douze ans, à raison d’un tournage par année, Linklater a filmé un enfant de fiction prénommé Mason (Ellar Coltrane), aux prises avec ses parents plus ou moins séparés, dont les relations se révèlent parfois très tendues. Cette chronique cinématographique est sans doute sans précédent dans le genre et constitue pour le spectateur une expérience assez inouïe, que l’on aurait aussi pu intituler «Etre et temps», pour pirater le titre du fameux bouquin du philosophe Heidegger.

Pendant 2h45 qui passent trop vite, on suit donc Mason qui passe insensiblement de l’état d’enfance à celui de l’adolescence, nous donnant à voir dans toute sa splendeur le spectacle indicible d’une vie qui passe, exempt des effets spéciaux ridicules qui prévalent dans ce genre de circonstances. A raison, le cinéaste a privilégié les moments les plus ordinaires, ceux où son protagoniste n’est que pure observation, s’emplissant de sensations, tel du papier-buvard.

Simultanément, le spectateur voit aussi vieillir les parents de Mason joués par Patricia Arquette et Ethan Hawke, qui n’ont pas hésité à payer de leur personne. A eux deux, ils constituent un véritable documentaire sur la manière dont un acteur s’approprie et bonifie un rôle. On l’aura compris, il faut courir voir «Boyhood», qui risque hélas de ne pas rester très longtemps à l’affiche!

de Richard Linklater
Etats-Unis, 2014, 2h45