«Avec ou sans Croisette?»

Programme n°213 |

Du 10 mai au 13 juin, Passion Cinéma présente six films chéris des festivals, dont la prestigieuse Croisette, ou pas… Primée à Soleure et au Prix du Cinéma Suisse, Petra Volpe, la réalisatrice de «L’Ordre divin», nous fait l’honneur de sa présence.

Imaginons un jeune réalisateur qui, enfin, achève son premier long-métrage à force d’abnégation et moult sacrifices artistiques dûs à un budget très restreint. Il l’a fait visionner à deux trois experts en matière d’exploitation et attend, le cœur battant, leur verdict. Sortant de la salle, ses interlocuteurs prononcent leur sentence avec une moue significative ou, au mieux, un sourire désolé: heu, pas vraiment un film de festival, encore moins un blockbuster, hein… De vous à moi, notre cinéaste ne pourrait récolter pire jugement.

TAPAGE MÉDIATIQUE

Bâti à l’approche de la septantième édition du raout cannois, le dernier cycle de Passion Cinéma avant sa pause estivale met l’accent sur l’importance prise par les festivals et autres pourvoyeurs de distinctions dans la carrière d’un film d’auteur. Même s’il est sans doute déçu d’avoir été mis hors-compétition, Arnaud Desplechin doit être heureux du tapage médiatique que ne manquera pas de susciter la présentation de son très attendu «Les Fantômes d’Ismaël», en ouverture de Cannes. Idem pour François Ozon, dont le vertigineux «L’ Amant double» figure en compétition sur la Croisette. Habitué à écumer les concours des festivals les plus prestigieux, Ozon sait tout le prix d’une sélection, à fortiori si celle-ci débouche sur une récompense, gage d’une sortie en salles boostée!

L’ATOUT LINDON

Absent du ramdam cannois depuis 1984 (avec «La Pirate»), Jacques Doillon doit croiser les doigts pour que Vincent Lindon remporte un Prix en regard de son admirable interprétation de «Rodin», même si la présence de cet immense acteur au générique est sans doute un atout pour attirer les foules. Dans un registre plus discret, gageons que si «A German Life» n’avait pas fait le tour du monde des festivals voués au documentaire, ce témoignage essentiel aurait sans doute été relégué dans une quelconque arrière-cour cathodique.

SOLEURE SUFFIT-IL?

A la seule échelle suisse, la caisse de résonnance médiatique engendrée par nos festivals et autres remises de Quartz suffit-elle à faire le buzz et créer une audience digne de ce nom pour un film comme «L’Ordre divin» de Petra Volpe? On en doute, à l’instar de la réalisatrice qui a eu l’art de ciseler son ouvrage de manière à en faire une véritable comédie populaire, en mesure de séduire un large public, sans pour autant déchoir! Ce que n’a pas réussi à faire notre jeune cinéaste imaginaire…

Vincent Adatte