Du 6 novembre au 13 décembre, Passion Cinéma présente douze nouveaux films qui rappellent le pouvoir du cinéma à refléter aussi bien les moments-clés de la grande que de la petite Histoire. Autant d’œuvres à découvrir séance tenante, sans oublier les projections en présence des cinéastes Elena Avdija, Alejandro Loayza Grisi, Patricio Guzmán et Cyril Schäublin!
Significative, l’anecdote vaut d’être rappelée. A la fin des années 1980, le Conducator Nicolae Ceaușescu décréta la fabrication et la vente de caméscopes «made in Romania», encourageant ses compatriotes à filmer leurs petits bonheurs privés, au point d’organiser un concours. Il advint que lesdits caméscopes servirent surtout à filmer en amateur les événements ultérieurs qui entraînèrent la chute du tyran. Certaines images prises depuis des fenêtres d’immeubles furent utilisées comme preuves à charge dans les procès qui s’ensuivirent.
Péché d’orgueil
Plus que la cécité d’un tyran aveuglé par son pouvoir, ce petit récit édifiant met en lumière la propension du cinéma, ou du moins ce qu’il en reste, à s’incarner toujours plus comme un acteur de l’Histoire, voire à devenir l’Histoire même, péché d’orgueil que commettent quotidiennement les chaînes d’infos continues… Par chance, les cinéastes dignes de ce nom s’efforcent encore de conjurer ce péril en pratiquant ce que les essayistes et philosophes de l’image Jacques Rancière et Jean-Louis Comolli ont si justement nommé des «Arrêts sur histoire».
De haute lutte
En revenant par films interposés sur des moments-clefs de l’évolution de notre être- ensemble, certes parfois très problématique, ces réalisateurs et réalisatrices nous octroient généreusement la distance nécessaire à la réflexion et à faire front au Pouvoir si prompt à défaire ce qui avait pourtant été conquis et acquis de haute lutte… À moins que nous nous résignions à vivre dans un «pays imaginaire», pour reprendre le titre du sublime et lancinant film de Patricio Guzmán, tête de proue de ce nouveau cycle proposé par Passion Cinéma.
Contrer l’hydre
Face au flux ininterrompu et toujours plus décervelé d’images déversé par l’hydre audiovisuelle, il importe de pratiquer pleinement ces «Arrêts sur histoire», à fortiori quand ils procurent les émotions les plus intenses. Nous vous y invitons, séance tenante!
