«Animal Kingdom» détonne. Par son esthétique d’abord, ses personnages ensuite, ce premier long-métrage du réalisateur australien David Michôd contourne les codes habituels du film de gangster. Melbourne dans les années 1980. Après la mort de sa mère, Josh est recueilli par le clan Cody, une fratrie de dealers et de braqueurs invétérés. L’adolescent taciturne et effrayé se laisse emporter dans les activités illégales de ses protecteurs, bien que ses instincts moraux et humains l’incitent à refuser cette voie. Mais comment résister aux douces injonctions de sa grand-mère maternelle? Sous ses airs cajoleurs et sa blondeur chatoyante, la doyenne se porte garante de la cohésion familiale, et par extension de son panache mafieux. Devant la spirale de la violence qui fait vaciller le trône Cody, la sournoise «Smurf» n’hésite pourtant pas à envoyer ses fils à l’abattoir pour sauver dynastie et réputation. Avec sa galerie de caractères déconcertants, loin des canons du genre imposés par les maîtres américains et leur pègre made in Little Italy, Michôd inscrit son film dans un décor cru et réaliste. Si les scènes d’action et de violence à fort impact visuel ponctuent le film, elles sont brèves et explicites, fonctionnant comme des mises en garde; des jalons qui rappellent que l’on se trouve dans une jungle – comme le suggère par ailleurs le titre: le royaume animal. Car la majeure partie du film se déroule en coulisses, dans l’intimité du manoir familial, ou les ficelles se tirent et les liens se tissent, à travers des plans lents et intimes qui laissent transparaître les tensions, les angoisses et les refus qui traversent des personnages que la violence a dépossédés de leurs destins. Un film introspectif, violent et poétique, qui marque l’avènement d’un réalisateur dont on attend le prochain film avec impatience.
de David Michôd
Australie, 2010, 1h52