«Andreï Tarkovski, la fenêtre et le miroir»

    Caméra-stylo, programme n°30 |

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      Andreï Tarkovski est né le 4 avril 1932 à Zavraje, un petit village de la province de Vladimir, sur les bords de la Volga. Son père, le poètpoète et traducteur russe Arséni Tarkovski, quitte sa mère alors qu’Andreï n’a que trois ans et sa petite soeur Marina un an et demi; un déchirement brutal qui marquera, par la suite, toute l’œuvre du cinéaste: Admirannsuite, toute l’œuvre du cinéaste: Admirant son père, Tarkovski avoue tout devoir à sa mère, qui essaie de le comprendre et de développer ses dons.
      Andreï Tarkovski cherche longtemps sa vocation. Suivant d’abord des cours de musique et de peinture pendant son école secondaire, il s’inscrit à l’Institut d’Etudes orientales où il étudie l’arabe pendant deux ans; il s’intéresse ensuite à la géologie à l’Institut des Mines mais, sans terminer ses études, il plaque tout pour suivre une expédition en Sibérie.

      Confronté à la censure

      Ce n’est qu’à son retour, en 1956, qu’il s’inscrit à l’Institut du Cinéma de Moscou (VGIK), alors dirigé par le cinéaste Mikhaïl Romm; il en sort diplômé quatre ans plus tard. Son film de fin d’étude, Le rouleau compresseur et le violon, un moyen métrage sur des enfants et pour les enfants, le fait remarquer en URSS. Mais c’est surtout son premier long métrage, L’enfance d’Ivan, qui le rend célèbre. Le film remporte le Lion d’Or à Venise en 1962 et sept autres prestigieuses récompenses internationales. Face à certains critiques qui s’élèvent contre le film, L’enfance d’Ivan reçoit même le soutien de Jean-Paul Sartre, dans un article publié par L’Unità (journal du parti communiste italien).
      C’est le début d’une carrière à la fois riche et douloureuse, où Tarkovski laissera sans doute une partie de sa santé. Car dès son deuxième long métrage, Andreï Roublev (achevé en 1966), il connaît les pires difficultés avec la censure soviétiques. Vu que le scénario a été accepté par les autorités, Tarkovski peut tourner avec les moyens importants dont il a besoin. Hélas, une fois le film terminé, les autorités soviétiques empêchent sa distribution et menacent même de le brûler. Andreï Roublev ne sort en Russie que dans un circuit confidentiel de salles, alors qu’à l’Ouest le film rencontre une nouvelle fois un impressionnat succès critique.

      L’homme sur la terre

      Dès lors, presque tous les films de Tarkovski vont connaître le même destin, à l’exception de Solaris, qu’il tourne en 1972 d’après le roman de science-fiction de Stanislas Lem. Le miroir, qu’il réalise deux ans plus tard, fait écrire à un mathématicien anonyme une lettre que Tarkovski considère comme décrivant parfaitement les tenants et aboutissants de son œuvre: «De quoi parle le film? De l’homme. Non pas celui que l’on entend en voix off (le narrateur est physiquement absent mais vit par tout ce qu’il ressent et qu’il pense, ndlr), mais de toi, de ton père, de ton grand-père, et de l’homme qui vivra après toi, mais qui sera toujours toi. Il s’agit de l’homme sur la terre, de l’homme comme une partie de la terre et de la terre comme une partie de l’homme. De l’homme qui aura à répondre de sa vie devant le passé et devant l’avenir. Ce film, il faut tout simplement le regarder (…) comme on regarde les étoiles, la mer, ou comme on admire un paysage. C’est que la logique mathématique n’y trouve pas sa place: elle ne nous expliquera pas ce qu’est l’homme, et quel est le sens de sa vie.»

      Autobiographies

      C’est en effet avec Le miroir, film-charnière parce que pour sa plus grande part autobiographique, que Tarkovski s’affirme comme l’un des plus grands «auteurs» du cinéma contemporain. Tarkovski ne reconnaît d’art que s’il est subjectif, irrationnel, incontrôlable, illuminé, émotionnel; il se retrouve dans des œuvres aussi différentes que celles de Buñuel, Bresson, Bergman, Vigo ou Mizoguchi. Pour lui, le film doit être «pour l’auteur et le spectateur un acte moral purificateur». Se réclamant moins d’une quelconque mystique chrétienne, Tarkovski se veut l’héritier d’une ancienne culture russe, spiritualiste et prophétique, liée à «la terre humide, notre mère», entre Orient et Occident.
      En 1978, Tarkovski tourne Stalker, librement inspiré d’un récit de science-fiction de Arkadi et Boris Strougatski. Un film prophétique sur la Russie contemporaine, où dans un plan, de part et d’autre d’un lit, s’opposent une fenêtre et un miroir, deux éléments symboliques de son art: Un art visionnaire où se confrontent le jour et la nuit, le souvenir et l’oubli, l’objectif et le subjectif, l’Histoire collective et l’intuition de l’individu; un art unique, seul à même de fixer à la fois le temps et le mouvement, dans un rythme ralenti et discontinu qui serait celui de la conscience poétique.

      L’exil

      En 1979, Stalker est présenté hors-compétition à Cannes. La même année, Tarkovski commence à écrire avec le scénariste de Fellini et Visconti, Tonino Guerra, le scénaritao d’un film à tourner en Italie: ce sera Nostalghia, achevé en 1983. Le 10 juillet 1984, lors d’une conférence de presse donnée à Milan, Tarkovski annonce son intention de rester avec sa femme à l’Ouest; son fils Arséni, âgé de 14 ans, n’obtient pas l’autorisation de les rejoindre. En Suède, Tarkovski prépare puis tourne Le sacrifice. Au cours du montage, il apprend qu’il est atteint d’un cancer des poumons. Son fils le rejoint enfin le 19 janvier 1986. En mai, Le ser 1986. En mai, Le ser 1986. En mai, Le sacrifice obtient le Grand prix spécial du jury à Cannes. Le 29 décembre, Andreï Tarkovski meurt à Paris, où il est inhumé au cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois.